Frédéric Durieux (1959)

Exil II (1983)

pour deux voix de femme et ensemble instrumental

  • Informations générales
    • Date de composition : 1983
      Dates de révision : 1984
    • Durée : 21 mn
    • Éditeur : Jobert, Paris, nº E.A.S. 18 130p
    • Opus : 1
    • Dédicace : à Alain Poirier
    • Livret (détail, auteur) :

      Yves Bonnefoy, Deux Barques, dans Dans le leurre du seuil, Mercure de France, Paris, 1975.

Effectif détaillé
  • solistes : 1 soprano solo, 1 contralto solo
  • 1 flûte, 1 hautbois, 1 clarinette, 1 cor, 1 trompette, 3 percussionnistes, 1 harpe, 1 piano, 1 violon, 1 alto, 1 violoncelle

Information sur la création

  • Date : juin 1985
    Lieu :

    Paris, centre Georges Pompidou


    Interprètes :

    Y. Nara, E. Laurence, Ensemble intercontemporain, direction : Peter Eötvös.

Note de programme

Cette pièce est le fruit de recherches dans deux domaines particuliers : les rapports texte/musique, voix/texte et voix/instrument(s) d'une part, et le domaine harmonique, d'autre part. Bien que cette pièce utilise un texte, ce dernier n'y est pas omniprésent. En effet, la musique étant toujours quelque peu « impérialiste », je n'ai pas voulu que la matière vocale et instrumentale broie le texte et le rende sinon absurde du moins monstrueux. C'est pourquoi j'ai choisi deux extraits assez courts du poème Deux Barques tiré du recueil Dans le Leurre du seuil

que fit paraître Yves Bonnefoy en 1975. Les deux extraits sont disséminés à certains moments de la pièce qui englobe dans le plan formel, la forme poétique qui demeure. Voix et instrumentations soulignent l'articulation du texte par différentes techniques vocales et la présence ou l'absence de certains instruments. On peut dire que la musique à une relation sémantique avec le texte.

L'écriture vocale répond à une alternative simple : ou le chant prend le poème comme support, ou il s'en dégage et s'appuie sur les onomatopées choisies pour leur couleur. Dans le premier cas, voix et instruments poursuivent leur parcours respectif avec quelques points de rencontre, dans le second cas, les voix sont éloignées du texte, soit pour s'intégrer à l'ensemble instrumental, soit pour être mises à nu en une véritable cadence. L'écriture rythmique accentue ces deux cas de figure : dans l'un l'écriture sera fixe et le temps strié ; dans l'autre la rythmique sera souple, neumatique et relative. Il y a donc différentes « couches » de chant : du parlé au mutisme, du chant « en texte » au chant « hors texte », etc.

La pensée harmonique organise, outre les rapports entre musique et poésie, la forme globale de la pièce. Un accord de base génère toute une série de figures et de proliférations harmoniques qui articulent les différents chapitres musicaux. Ainsi, forme et harmonie se renforcent l'un l'autre créant tout un réseau de correspondances hiérarchisées et délimitées. L'écriture harmonique fonctionnelle et spécifique à chaque oeuvre est l'une de mes obsessions premières.

Exil II est une œuvre qui veut bâtir autour d'un texte une multiplicité de rapports complexes (« poème : centre ou absence... ? »). Le poème ayant sa propre vie et sa propre logique, il me semble illusoire d'écrire une pièce qui ne serait que la mise en musique d'un texte. Musique et Poésie perdraient alors substance et se nuiraient mutuellement. De même, il serait indigent, après toute une série de chef-d'oeuvres écrits depuis la dernière guerre, de prendre un poème avec désinvolture sans rechercher une quelconque relation formelle sémantique ou autre. C'est pourquoi la pièce englobe et organise texte, chant(s) et instruments en disposant chaque section à sa place et structurant la relation d'une section à une autre.

Frédéric Durieux