Philippe Hurel (1955)

Tour à Tour III (2011 -2012)

pour orchestre

  • Informations générales
    • Date de composition : 2011 - 2012
    • Durée : 24 mn
    • Éditeur : Lemoine, Paris, nº 28988
    • Cycle : Tour à Tour
    • Commande : Printemps des Arts de Monaco
Effectif détaillé
  • 3 flûtes (aussi 3 flûtes piccolos, 1 flûte alto), 3 hautbois (aussi 1 cor anglais), 3 clarinettes en la (aussi 3 clarinettes basses), 3 bassons (aussi 1 contrebasson), 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones, tuba, 3 percussionnistes, harpe, célesta, piano, cordes

Information sur la création

  • Date : 25 mars 2012
    Lieu :

    Monaco, Monte-Carlo


    Interprètes :

    l'orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, direction : Jean Deroyer.

Observations

Cycle complet à la Maison de la Radio dans le cadre du festival ManiFeste 2015 de l'Ircam : https://medias.ircam.fr/xbf15ff

Note de programme

Cette nouvelle pièce fera partie d'un cycle d'orchestre d'une heure environ, Tour à tour, comprenant Tour à Tour I (créé par le Oslo philharmonic en 2008), Tour à Tour II (commandé par le Philharmonique de radio France, création en 2015), Præludium (créé par le Philharmonisches Orchester de Cottus en 2010) et Tour à tour III (commandé par le Printemps des Arts). 

La composition de ce cycle se caractérise par un retour à mes préoccupations sur le timbre et la fusion spectrale. En effet, après plusieurs tentatives de remise en valeur de la « mélodie » et des lignes dans ma musique, ce cycle d'orchestre se distingue au contraire par un travail sur la fusion sonore et la synthèse des sons. Dans Tour à tour, je renoue avec l'une de mes préoccupations de jeunesse, la recherche d'une ambiguïté entre la perception du timbre et celle des lignes. 

Ce cycle a aussi l'apparence d'une sorte de concerto pour orchestre dans lequel les différents pupitres deviennent, tour à tour et selon le contexte, les protagonistes du « drame » qui est en train de se jouer. 

Tour à tour III contient ainsi des préoccupations que l'on retrouvera dans tout le cycle : un jeu d'apparition et de disparition, d'alternance et de variation de plusieurs matières musicales rythmiques très typées et reconnaissables, et un travail sur la synthèse des sons. 

Dans cette troisième partie du cycle, les matières qui apparaîtront seront des « rémanences » de Tour à Tour I, des souvenirs et des images passés à travers le prisme du temps. Ces situations musicales reconnaissables se trouveront donc déformées, étirées, compressées, réorchestrées... mais resteront toujours identifiables, commes des thématiques articulant la forme. 

Ce cycle se caractérise aussi par la volonté que j'ai, ces dernières années, de laisser place dans mes oeuvres à une expressivité plus forte et l'on peut y sentir une réelle influence du répertoire orchestral germanique. 

Philippe Hurel, décembre 2011.


Le cycle Tour à Tour brosse, à grands traits comme dans le détail, un portrait de l’orchestre tel que Philippe Hurel se le représente entre 2007 et 2015 – sachant que cette vision est susceptible d’avoir évolué en cours de route. S’y concrétise sa pensée de l’orchestre, en termes de timbres, de traitement des masses : « Je me retrouve totalement dans cette musique, dit-il. Je l’ai laissée mûrir, elle a longtemps mijoté. Depuis quelques années, je laisse davantage parler la « tripe », en lâchant la bride à une certaine forme d’intuition dans les moments où je n’arrive plus à calculer. Le privilège de l’âge, peut-être : on met du temps à se connaître. Je me suis méconnu à une époque : il y a dans mon catalogue quelques pièces où j’ai tenté de tout formaliser – sans succès. Cela ne va pas à ma personnalité : ça me bloque et assèche la musique. »

Tour à Tour est d’abord conçu comme un concerto pour orchestre. Dans ce contexte, l’expression « tour à tour » se réfère à un jeu constant sur toutes les dualités que le compositeur peut y trouver : alternance de couleurs – écriture libre de groupes orchestraux très identifiables ou de blocs massifs rugueux d’une part, et, d’autre part, grands processus polyphoniques réalisés avec OpenMusic, mais très libres en apparence –, alternance d’une orchestration par groupes et d’une instrumentation spectrale micro-intervallique, écriture pulsée/écriture de flux, écriture « thématique » (ou motivique)/écriture de masse, mise en avant de groupes solistes/écriture purement orchestrale... La forme complète, tri-partite, respecte cette idée de dualité, que ce soit par l’intervention de l’électronique dans le deuxième volet, ou par l’atmosphère générale de chaque partie.

« Tout s’organise autour de quelques gestes et situations musicales identifiables, dit le compositeur, élaborés à partir d’un matériau constitué d’une chaîne d’objets harmoniques et d’un motif, un pattern unique et reconnaissable. Possibilité est ainsi donnée à l’auditeur d’identifier et de reconnaître ce matériau de départ pour en repérer la réapparition récurrente, soit sous la même forme que la première fois, soit sous une forme détournée (retraité par l’électronique, par exemple) : les dérives du matériau finissent toujours par me ramener sur des éléments familiers. J’aime travailler la répétition, la remémoration, la réitération... Cette obsession de la « cellule » génératrice (et de ses dérives possibles) – que ce soit un motif, une suite de spectres ou une situation musicale plus complexe – me vient évidemment de l’enseignement structural mais aussi de compositeurs tels que Beethoven ou Richard Wagner. Ce dernier reste d’ailleurs l’un des compositeurs du passé qui m’inspirent le plus. »

Ce pattern unique, véritable Gestalt, sert ainsi de colonne vertébrale à la composition. Autour des larges situations musicales qu’il ordonne, s’agglutinent des gestes locaux qui réapparaissent dans les trois volets, le tout concourant à faire du cycle entier un gigantesque Thème et variations...

Dans la troisième partie, des matières apparaissent ainsi comme des « rémanences » de la première, des souvenirs et des images passés à travers le prisme du temps. Ces situations musicales resteront toujours identifiables, bien que déformées, inversées, étirées, compressées, réorchestrées, comme des thématiques articulant la forme. De fait, Tour à Tour III a été composée à partir de la partition de Tour à Tour I : « Écrire une pièce en comparant, pas à pas, avec ce qui a déjà été fait est un travail incroyablement pénible, avoue d’ailleurs Philippe Hurel : on perd un temps fou. Mais tout est récupéré, pas un élément n’est abandonné. »

La chronologie des commandes a voulu que Tour à Tour II, volet mitan avec électronique, soit le dernier réalisé – mais ces circonstances permettent au compositeur une astuce formelle « d’anticipation » : il extirpe de vastes blocs du troisième mouvement pour les varier, à l’aide de l’électronique, dans le deuxième...

J. S., programme ManiFeste-2015.