MimeSys (jeu de mots entre mimesis et système) est le nom d’un outil de jeu en temps réel – non pas vraiment outil de retraitement, mais plutôt outil de calcul – développé au sein de l’environnement informatique Max/MSP, un outil sans lequel la pièce ne serait pas.
Le principe est le suivant : d’un côté, un instrument joue, il est capté, puis traité, et on analyse le signal résultant de ces traitements. De l’autre côté, un autre instrument joue, pour lequel les paramètres de retraitement ne sont pas tous prédéterminés. On compare les deux signaux et l’ordinateur cherche à imiter le son (retraité) du premier instrument avec celui du second instrument. L’ordinateur adapte ainsi le son du second instrument à celui du premier. Comme une orchestration en temps réel.
La pièce s’élabore donc autour d’un jeu d’imitation au cœur de l’ensemble de chambre. Un jeu tournant (non seulement le son d’un instrument change constamment, mais l’instrument « modèle » change d’un passage à l’autre) dont les instrumentistes n’ont pas à se soucier. Cependant, cette mimétique va en réalité bien au-delà de ce logiciel et se retrouve à tous les degrés de l’écriture.
1er degré : c’est le processus classique de recherche sonore, au cours de l’écriture. Le compositeur imagine une texture sonore et tente de l’approcher, en mélangeant échantillons et sons de synthèse sur l’ordinateur – c’est là encore, pour Marc Garcia Vitoria cette fois, une recherche empirique : partant d’une idée abstraite, il tourne autour jusqu’à obtenir un son satisfaisant.
2e degré : s’aidant de divers outils d’analyse sonore et d’orchestration assistée par ordinateur, le compositeur imite cette texture première à l’aide de l’instrumentation, éventuellement retraitée par l’électronique.
3e degré : au cours de l’exécution, le logiciel MimeSys imite le son d’un musicien à l’aide du son d’un autre musicien. Sachant en outre que la partition est construite autour de la dualité pulsation/accord que met en relief la coexistence de cordes frottées (alto, contrebasse) et de cordes pincées (la harpe, les pizzicatis), encore accentuée par l’accordéon et la percussion.
4e degré : la spatialisation. À l’aide du système de diffusion sonore WFS, qui permet de localiser très précisément un son, le son retraité d’un instrument semble venir exactement du même endroit que le son acoustique de cet instrument, et à une nuance comparable. Préservant ainsi l’intimisme chambriste de l’écriture tout en gardant audible le son acoustique.
Le grand avantage de ce système – qui est de faire entendre l’origine de chaque son, indépendamment de la position de l’auditeur dans la salle – est du reste aussi l’occasion pour Marc Garcia Vitoria d’explorer le mouvement des sons électroniques, immergeant ainsi le public au cœur de la musique dans certains passages et l’éloignant dans d’autres. Ce qui fait naître une forme d’orchestration dans l’espace.
Jérémie Szpirglas, octobre 2011.