Hèctor Parra Esteve (1976)

Piano Trio nº 2 – Knotted Fields (2007)

  • Informations générales
    • Date de composition : 2007
    • Durée : 12 mn
    • Éditeur : Editorial Tritó, Barcelone
    • Commande : Fondation Caja Madrid/Liceo de Cámara 2008 (Madrid)
Effectif détaillé
  • 1 piano, 1 violon, 1 violoncelle

Information sur la création

Note de programme

Contrairement à ce premier trio avec piano, d’une écriture ramassée et aux dynamiques retenues, Knotted fields (2007), ma seconde pièce conçue pour cet effectif, est beaucoup plus ouverte et plus ambitieuse d’un point de vue structurel. La facture naît d’une réflexion intense sur l’héritage classique et son actualité pour la composition contemporaine. Tout au fond de la structure de ce trio, l’idée de la variation est active, comprise comme « multiple qui part d’un singulier ». Mais par-dessus ce substrat, j’ai posé une forme contraire, une structure reposant sur l’articulation de contraires, et qui se rapproche plutôt de la forme-sonate. Au début, certain éléments sonores au caractères propres et clairement définis sont exposés : 1. des clusters sombres et graves, comme des accords, 2. des nuages de sons percussifs, ça et là très actifs mais sans réelle densité acoustique, 3. des passages parfaitement mélodiques et 4. des éclairs et des détonations puissantes dans le registre suraigu. Dans la suite, tous les matériaux et structures sont déduits directement ou indirectement de ces sonorités.

Et alors que ces matériaux sonores présentés au début se modifient continuellement, la structure musicale propre évoluera de manière complexe, produite et entretenue par une fluctuation incessante des points forts structurels, au sein d’un tissu sonore à la densité extrêmement variable. On essaie ainsi de susciter des états émotionnels fugitifs, souvent antithétiques, qui doivent laisser dans la conscience de l’auditeur la trace d’un drame formé par le temps. D’un certain point de vue, toutes les pièces enregistrées sur ce CD développent « l’éthos d’une tragédie », exprimé par la seule dramaturgie du son spécifique, de la musique.

En tant qu’image de la forme-sonate classique déjà éloignée dans le temps, Knotted fields est également divisé en trois parties, qui durent à peu près quatre minutes chacune. Dans la première, les matériaux sont présentés séparément, par blocs contrastés et qui semblent n’avoir rien à faire les uns avec les autres. Dès la deuxième section ces matériaux perdront peu à peu leur caractère propre, pour se retrouver à la fin dans un tissu musical cohérent, beaucoup plus plein et riche, mais aussi plus unifié. Unité qui bientôt s’avère passagère, car atteinte seulement dans des passages d’une vitesse et d’une intensité extrêmes, qui ne sauraient être maintenues pendant longtemps. La troisième partie reflète (au deux sens du terme) la première : après la naissance et l’expérience d’une unité à partir du contraste, le début fait l’objet d’une relecture radicale. Il se forme et se déploie une nouvelle continuité plus organique : l’opposition pure d’idées musicales est abandonnée au profit d’un réseau plus polyphonique, fait de structures et caractères sonores qui peuvent maintenant exister concurremment.

J’ai trouvé le langage pianistique de Knotted fields en travaillant en 2005 à l’Impromptu pour piano seul, courte pièce qui exige pourtant une grande virtuosité de la part du pianiste. Les structures pianistiques du début, qui semblent presque spontanées, se gonflent, se contaminent et se dissolvent rapidement, pour former des harmonies estompées dans l’extrême aigu. Des accords dont la résonance est maintenue grâce à la troisième pédale paraissent comme des axes de forces qui relient les polyphonies complexes dans le registre médian, opposées à de strictes homorythmies. En même temps le caractère nerveux et percussif des graves assourdies active la résonance des harmoniques, produites par les accords denses dans le registre du milieu, tissant un discours chatoyant au caractère éphémère. Mon langage pianistique cherche une fusion absolue entre attaque et geste/phrasé, si bien que les timbres qui s’éclairent rapidement, naissant de la conjonction entre les harmoniques marquées qui s’ajoutent à des groupes de notes rapides, font ressentir une tension chromatique très forte. On peut remarquer encore que certains rythmes et matériaux d’harmoniques de l’Impromptu ont été conçus avec l’aide de l’ordinateur, mais que la pièce est entièrement née au piano et a profité de mon expérience de pianiste.

Hèctor Parra, livret du Cd Kairos, 2008.