Michaël Levinas (1949)

Les Lettres enlacées IV (2000)

pour quintette à cordes

  • Informations générales
    • Date de composition : 2000
    • Durée : 14 mn 30 s
    • Éditeur : Lemoine, Paris, nº 27368, 2000
    • Commande : Festival Why Note
Effectif détaillé
  • 1 violon, 1 violon II, 2 altos, 1 violoncelle

Information sur la création

  • Date : 3 décembre 2000
    Lieu :

    Dijon, Festival Why Note


    Interprètes :

    le quatuor Manfred et Christophe Desjardins.

Observations

Écouter l'enregistrement du concert du 31 mars 2004 à l'Ircam : https://medias.ircam.fr/x7ac035_lettres-enlacees-iv-michael-levinas

Note de programme

En 1996, Concertation m'avait permis de réaliser une polyphonie de sons tournants évoluant harmoniquement selon le principe d'un choral. Le spatialisateur de l'Ircam permet de superposer des trames (ou des lignes) chantées par quatre voix. Ces trames se propagent et tournent dans l'espace à des vitesses multiples créant ainsi des effets de Doppler et des entrelacements polyphoniques. Ces faisceaux colorés par la percussion et la flûte évoluent selon une trajectoire qui reproduit une relation de 'tonique à dominante'. Il en résulte simultanément une impression de sur place et de cheminement harmonique. Dans Les Lettres enlacées V, en revanche, le principe formel de la pièce naît d'une écriture polyphonique en spirale. La pièce procède par la reproduction en continuelle transposition d'échelles modales qui parcourent les registres des instruments du grave à l'aigu, ou bien de l'aigu au grave selon un système d'altérations asymétriques. Sont aussi utilisés des mouvements contraires. Ainsi, une échelle qui se déroule dans un registre grave va être reproduite une octave au-dessus en subissant une 'altération' similaire à l'effet de Doppler que j'avais utilisé dans Concertation. La genèse du mouvement mélodique provient de cette simulation de l'évolution de l'échelle modale dans l'espace. Le principe de la transposition limitée implicite dans l'altération, dans le temps et dans l'espace de ces échelles constitue une forme giratoire, c'est-à-dire une structure de modulation qui ramène dans le temps à l'échelle modale du début de la pièce. Forme fermée ? Forme giratoire ? La trame harmonique est constituée non seulement par l'échelle modale reproduite à tous les registres des instruments, mais procède aussi d'un mouvement de spirale infinie provoqué par une technique acoustique d'octaviation et de relais. Cette trame harmonique est à la fois statique et mobile. Elle résulte simultanément de la spirale infinie et de l'altération des échelles quand elles passent d'un registre à l'autre. J'ai écrit une suite de pièces sous le titre Les Lettres enlacées. Ce titre traduit la technique d'écriture utilisée pour les cordes. Elle se réfère au chevauchement, à la superposition, au croisement de deux voix d'un seul et même instrument à cordes. L'instrumentiste joue une mélodie en canon de micro-intervalles sur deux cordes simultanément, chaque ligne 'poursuivant' l'autre par une sorte de dédoublement en micro-intervalles. Les figures mélodiques issues de ces modes de jeu peuvent être considérées comme de faux glissandi ou encore comme des effets globaux et paradoxaux obtenus par cette polyphonie en lettres croisées. Dans ce quintette, j'ai rapproché ces lignes mélodiques en faux glissandi des échelles modales altérées. Cette parenté constitue elle aussi la trame évolutive de la pièce dans le temps. La conception du quintette suit une période de composition exclusivement consacrée, depuis Concertation, aux instruments acoustiques et plus précisément aux instruments à cordes. Ce travail m'a amené à réfléchir sur des musiques formelles éloignées de la rencontre avec le modèle narratif. Mais le rôle de l'altération des échelles, la relation entre ces altérations et le temps musical, le concept de transposition limitée, la polyphonie en spirale infinie, les superpositions des mêmes échelles sous forme conjointes et disjointes, m'ouvrent des perspectives dans le domaine de l'invention musicale, qui ne se limitent pas à la pure abstraction de la forme ou à la matérialité de l'organisation du timbre.

Michaël Lévinas