Brice Pauset (1965)

Vier Variationen (2007)

pour ensemble

  • Informations générales
    • Date de composition : 2007
    • Durée : 8 mn
    • Éditeur : Lemoine, Paris, nº 28604
    • Commande : Ensemble Lucilin, Luxembourg
Effectif détaillé
  • 1 flûte, 1 percussionniste, 1 piano, 1 violon, 1 alto, 1 violoncelle

Information sur la création

  • Date : 16 décembre 2007
    Lieu :

    Luxembourg


    Interprètes :

    Ensemble Lucilin, direction : Brice Pauset, Sophie Deshayes, flûte, Guy Frisch, percussion, Pascal Meyer, piano, Tomoko Kiba, violon, Danielle Hennicot, alto, Christophe Beau, violoncelle.

Note de programme

    <p>Lorsque l’Ensemble Lucilin m’a proposé de réfléchir à la composition de paraphrases de quatre des <em>Variations Goldberg</em> de Bach, la tentation était grande de remettre à l’ouvrage les questions qui m’avaient conduit à la conception de pièces comme la <em><i><a href="/fr/works/work/13348/">Kontra-Sonate</a></i></em> pour pianoforte ou le quintette <em><i><a href="/fr/works/work/20231/">Les Voix humaines</a></i></em> : c’était dans chacun de ces cas d’une « exégèse intermédiaire » de la composition et de la transcription qu’il s’agissait : ces deux « genres » n’existant <em>a priori</em> pas sous leur forme « pure » : il y a transcription dans tout travail de composition ; <em>a contrario</em>, aucune transcription n’est indemne de traces de composition.</p><p>Dans ces nouvelles variations, je me suis plutôt attaché à traduire par des moyens purement musicaux des phénomènes propres à l’original baroque, phénomènes plus liés à vrai dire à ma propre expérience des <em>Goldberg</em>, en tant que claveciniste, qu’à la partition elle-même, quand bien même celle-ci reste la substruction principale de mon travail.</p><p>J’entends par exemple le <em>Al tempo di Giga</em> de la <em>Variation VII</em> comme une musique de sauts, de rebonds, comme un art qui chercherait à se passer d’assise, de socle ou de stabilité ; c’est d’ailleurs dans cette variation que Bach présente le thème sous sa forme la plus déchiquetée à la basse.</p><p>Le déroulement incessant des figures arpégées de la<em> Variation VIII</em>, écrite spécifiquement pour les deux claviers du clavecin, m’a fait imaginer, au centre de la pièce, une sorte de « fantaisie des croisements » où chaque élément sonore serait porteur de la même ambivalence : à chaque fois, quelque chose « se croise », monte et descend simultanément. La dimension visuelle n’est pas absente ici, notamment lorsque le pianiste parcourt en les frôlant les touches noires et blanches du clavier en directions opposées.</p><p>Mon interprétation composée de la <em>Fughetta (Variation XXII)</em> se concentre moins sur l’aspect polyphonique archaïsant à quatre voix de l’original, que sur le sentiment de lisibilité paradoxale du thème de la basse, au sein du contexte pourtant si labile et fleuri des voix supérieures.</p><p>J’ai enfin, pour la <em>Variation XXIII</em>, recherché dans ma propre langue un miroir à l’éxubérance de l’écriture de Bach pour clavecin (un des exemples les plus fous de la musique allemande pour clavier de la première moitié du XVIIIe siècle, généralement peu encline à l’excentricité).</p><p>Participer à un projet rassemblant diverses personnalités autour d’un même sujet pose de manière particulièrement aiguë la question du rapport personnel à l’histoire, et des dimensions éthiques soulevées par ce rapport. Les <em>Variations Goldberg</em> ont été composées à une époque où, contrairement au savoir-faire, la dimension individuelle de l’artiste, son originalité, ne représentait pas à proprement parler un marqueur qualitatif décisif. Mon interprétation personnelle des quatre variations qui m’ont été échues tente de rassembler en un même objet esthétique différentes dimensions de ma compréhension de l’œuvre de Johann Sebastian Bach : comme musicien essayant de lire la partition en évacuant les fausses mythologies que l’histoire moderne y a greffé, comme interprète de cette musique se confrontant quotidiennement à ce que les instruments du XVIIIe siècle, si en accord avec leur temps, ont à nous dire de cette esthétique, comme auditeur constamment émerveillé de la redécouverte de ce chef d’œuvre à travers quelques interprétations remarquables et vraiment nouvelles (celle de Gustav Leonhardt en particulier), comme, enfin, compositeur conscient que le « paradis perdu » des grandes constructions tonales conditionne encore bel et bien mes plus intimes décisions, par-delà les siècles, et, plus encore, par-delà les injonctions mortifères de l’industrialisation culturelle.</p><p>Brice Pauset<br /></p>