Hans Zender (1936)

Fûrin No Kyô (1989)

pour soprano et ensemble
[Chant de la cloche éolienne]

  • Informations générales
    • Date de composition : 1989
    • Durée : 18 mn
    • Éditeur : Breitkopf & Härtel, 1989
    • Livret (détail, auteur) :

      Moine Zen Ikkyu

Effectif détaillé
  • solistes : 1 clarinette, 1 soprano solo [ou mezzo-soprano]
  • 1 flûte (aussi 1 flûte piccolo), 1 hautbois, 1 contrebasson, 1 cor, 1 trompette, 1 trombone (aussi 1 trombone basse), 2 percussionnistes, 1 harpe, 1 piano, 3 violons, 1 alto, 1 violoncelle, 1 contrebasse à 5 cordes

Information sur la création

  • Date : 20 octobre 1989
    Lieu :

    Autriche, Graz


Note de programme

La pièce se base sur un quatrain du moine Zen japonais Ikkyu. Fu signifie « vent », Rin « cloche » : il s'agit d'un poème sur la perception acoustique. L'œuvre en quatre parties énonce le poème en quatre langues : la première partie en japonais, la deuxième en anglais. Ensuite, on entend une cadence des instruments. La troisième partie comporte le texte en allemand et la quatrième engendre un remous de bribes entrelacées en japonais, anglais, allemand et chinois, qui, réunies, élargissent l'ensemble du texte.

D'autre part, chacune des quatre parties se trouve en relation avec les lignes respectives du poème : la première par son attitude de contemplation, la deuxième par un jeu de comparaison, la troisième partie par son aspect dramatique et, la dernière, par le renforcement extatique, vers l'impénétrabilité rationnelle du tout.
Hans Zender.

L'esthétique de la musique de Hans Zender est marquée par l'absence de ce que l'on est convenu d'appeler « style ». Son âge le place au milieu de Nono et de Höller, entre la génération des fondateurs de la musique d'après-guerre et une génération de jeunes qui, pour la plupart, ont retrouvé une nouvelle spontanéité. Chez Zender, rien ne va de soi, mais toute réflexion dont se nourrit la musique doit aboutir à une évidence. Seulement, le résultat sonore ne cache pas les difficultés qui ont accompagné le processus de la composition. L'absence de rhétorique qui veut flatter l'oreille va de pair avec la disparition d'une subjectivité qui voudrait s'exprimer dans l'art. Les « affects » sont donc exclus de cette musique, puisqu'ils « sont devenus historiques à présent ; ils ramènent rapidement le compositeur aux formes anciennes. »

D'où une certaine aridité de la surface sonore. Mais cet aspect « dur » de la musique de Hans Zender n'est qu'apparent, et il n'est pas besoin du poème Zen d'un moine japonais pour s'en convaincre. Dans Fûrin No Kyô on retrouve toutes les manières de jouer et de chanter entre le son pur et un certain bruit qui, le plus souvent, ressemble au souffle. En cela, la musique vocale et instrumentale du bouddhisme aurait pu servir de modèle, mais chez Zender, il n'y a aucune allusion stylistique à cette tradition, tout au plus une référence d'ordre spirituel. Sa musique qui allie les battement l'archet aux sonorités plus ou moins soufflées des instruments à vent abolit les oppositions entre l'esprit et la nature, l'artificiel et le cosmique.

Pour y parvenir, le compositeur met en oeuvre un travail musical à plusieurs niveaux. Le texte, qui est d'abord présenté successivement dans trois langues et, parallèlement, dans trois élaborations musicales différentes, se trouve, dans la quatrième section, fragmenté en morceaux provenant de quatre langues, dont deux orientales et deux occidentales. Le but n'est pas une synthèse de deux cultures ni la volonté de concilier l'inconciliable ; la seule chose qui compte aux yeux du compositeur, c'est « l'intensité de l'imagination propre ». C'est d'ailleurs seulement dans la troisième partie que le texte intégral, cette fois dans sa version allemande, est pleinement intelligible grâce au recours au « Sprechgesang » (débit vocal placé entre chant et récitation parlé).

La pièce est centrée autour d'une « cadence » instrumentale qui laisse une certaine liberté d'allure aux différents instruments. Chaque musicien vit à son propre rythme ; l'harmonie qui s'établit alors entre eux n'est pas obtenue par une volonté supérieure qui les guide, mais par le caractère monadologique des figures musicales qu'ils jouent : ces monades peuvent se combiner de plusieurs manières différentes dans le temps tout en restant perceptibles dans leur autonomie. L'interprète s'apparente ainsi au compositeur et le compositeur prévoit un moment d'interprétation comme partie intégrante de sa structure compositionnelle. La coïncidence des opposés, nature et art, abolit les extrêmes — l'ordre objectif d'une part et l'affectivité spontanée de l'autre — pour les retrouver dans une synthèse dont, pour le moment, on ne connaît que des contours vagues. Mais il n'y a point de retour : « la nostalgie repose sur un ordre établi. »

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