Tristan Murail (1947)

Sillages (1985)

pour orchestre

  • Informations générales
    • Date de composition : 1985
      Dates de révision : 1990
    • Durée : 18 mn
    • Éditeur : Lemoine, Paris, nº 28239
    • Commande : Kyoto Community Bank
Effectif détaillé
  • 4 flûtes, 3 hautbois, 4 clarinettes, 3 bassons, 4 cors, 4 trompettes, 3 trombones, tuba, 3 percussionnistes, harpe, piano, célesta, 14 violons, 12 violons II, 10 altos, 8 violoncelles, 6 contrebasses

Information sur la création

  • Date : 9 septembre 1985
    Lieu :

    Japon, Kyoto, Kaikan


    Interprètes :

    l'Orchestre de Kyoto, direction : Seiji Ozawa.

  • Date : 16 novembre 1990
    Lieu :

    France, Metz, Rencontres internationales


    Interprètes :

    l'orchestre de l'opéra de Lyon, direction : George Benjamin.

Observations

Version 1990 : même effectif orchestral sauf cordes : 10,8,6,6,4.

Note de programme

À l'occasion de son soixantième anniversaire, la Kyoto Community Bank, qui chaque année commande une pièce à un compositeur japonais, avait lancé un projet dénommé Kyoto Symphonic Trilogy, consistant en trois œuvres orchestrales écrites par des compositeurs de trois continents, Tōru Takemitsu pour l'Asie, le Canadien Murray Schafer pour l'Amérique et moi-même pour l'Europe. Les trois pièces devaient s'inspirer, librement, de Kyoto et de son atmosphère. Elles furent créées les 9 et 10 septembre 1985, à Kyoto puis à Tokyo, par l'orchestre de la ville de Kyoto dirigé par Seiji Ozawa. Une nouvelle version (où l'effectif des cordes a été légèrement réduit) a été réalisée en 1990, à l'occasion de la création française, par l'orchestre de l'Opéra de Lyon dirigé par George Benjamin.

La commande faite par la Kyoto Community Bank devait donc de quelque manière évoquer la ville de Kyoto. Ne souhaitant pas introduire d'élément anecdotique, je décidai de me restreindre à méditer sur l'image et le symbole du jardin de pierre, spécificité bien connue de Kyoto.

C'est ce qu'exprime, de manière un peu abstraite, le titre. Sillages : sillons, sillages, empreintes laissées dans l'eau, dans le sable, le gravier.

Il y a beaucoup d'explications diverses quant à la signification de ces jardins, en particulier de leur élément central, un roc entouré de graviers dans lequel des cercles concentriques sont tracés. Certains y voient des animaux, d'autres des îles entourées par la mer... Je propose une vision plus « cosmologique » (et sans doute anachronique, par rapport à l'âge de ces jardins): des mondes jetés dans l'espace, l'espace étant déformé par les masses mêmes de ces mondes, les dessins énigmatiques des graviers évoquant alors des sortes de lignes de force représentant cette déformation de l'espace. Les sillons tracés sur le sol sont comme attirés par les masses des rochers, modifiés par leurs contours. Sur cette analogie repose en grande partie la structure de ma pièce. Des masses importantes, des blocs d'accords attirent à eux le flot de la musique, déforment les durées, provoquent des accélérations, des ralentis.

S'il n'y a donc pas d'évocation anecdotique de Kyoto, on trouvera peut-être, à un niveau plus profond, quelques échos de l'atmosphère japonaise, complètement intégrés aux processus qui constituent ma musique, par exemple les rythmes des grands tambours de bois qui ponctuent la vie des temples, les battements accélérés ou retardés du gagaku, les clochettes qui tintent au vent, le souffle des flûtes de bambou. J'avais aussi été frappé, à l'époque, par le son fantastique des cornes des tramways de Kyoto, et j'avais utilisé leur « spectre » dans un des moments culminants de la pièce. Hélas, lors d'un voyage récent, j'ai pu constater que les vieux tramways avaient été remplacés par un métro ultramoderne...

Tristan Murail, éditions Lemoine.