Composées, la première à Oustiloug du 6 au 19 octobre 1912 (version piano) et Clarens du 16 au 29 décembre 1912 (instrumentation) ; la deuxième à Clarens du 5 au 18 décembre 1912 (version piano) et du 8 au 21 décembre 1912 (instrumentation) ; la troisième à Clarens du 9 au 22 janvier 1913 (version piano et instrumentation) ; dédiées respectivement à Delage, Schmitt et Ravel ; création : 14 janvier 1914, Paris (au même concert que les 3 Poèmes de Mallarmé de Ravel).
« Parallèlement à l'orchestration du Le Sacre, qui touchait à sa fin, je travaillais à une autre composition qui me tenait à cœur. En été, j'avais lu un petit recueil de lyrique japonaise contenant des poèmes en quelques lignes dus à des auteurs anciens. L'impression qu'ils m'avaient faite présentait une similitude frappante avec l'effet produit par l'art de l'estampe japonaise. La solution graphique des problèmes de la perspective et des volumes qu'on y voit m'incitait à trouver quelque chose d'analogue dans la musique. Rien ne se prêtait mieux à cela que le texte russe de ces poèmes, par le fait connu que la poésie russe n'admet que l'accent tonique. Je m'attelai à cette tâche et j'arrivai à mon but au moyen d'un procédé métrique et rythmique qu'il serait trop compliqué d'expliquer. » (I.S.)
Avec ces mélodies, Stravinsky inaugure une des techniques qui le caractérisera, dans la relation d'un texte littéraire avec la musique ; une méthode spéciale de scansion qui va devenir un véritable principe, les accents étant distribués de façon irrégulière, indépendamment de la signification du texte. La voix est ici essentiellement utilisée dans un registre élevé qui s'accorde au caractère des mélodies, et elle est intégrée au groupe instrumental. Si les deux premières évoquent le Sacre, la troisième semble marquée par l'influence de Schoenberg ; rappelons que Stravinsky avait entendu le Pierrot lunaire en 1912 à Berlin.