<p>« Sur une sphère, quitter un point, c’est déjà commencer à s’en approcher ». <br />Victor Segalen, <em>Essai sur l’exotisme</em></p><p>Sans trop se préoccuper des lois de l'harmonie, il faut tenir <em>Superman et Moi,</em> nouvelle création de Pascal Montrouge pour le pendant — au sens que ce mot prend dans un diptyque — d'<em><i><a href="/work/os-1">Os</a></i></em>, la création précédente. On peine à comparer une pièce pour huit danseuses avec un duo masculin, pourtant le propos en est très proche et il s'agit dans ce vaste projet de traquer la nature de la différence. Après avoir fait l'expérience de la similitude (c'était <em>Os</em>), voilà la multiplication des dissemblances. Il y a donc, dans <em>Superman et Moi</em>, huit danseuses venant de cinq pays. Elles sont malgache, sud-africaine, mozambicaine, zimbabwéenne et le fait s'aggrave encore de ce que, si quatre des interprètes sont françaises, l'une est d'origine malgache, quant à l'autre, véritable double dansant du chorégraphe qu'elle accompagne depuis ses débuts, elle est néanmoins l'épouse d'un sud-africain… Quelque chose comme toute la diversité d'un continent. Le premier travail de la création fut d'accoutumer ces danseuses qui ne se connaissaient pas et ne partageaient pas même une expérience commune de ce qu'est la danse. Puis il s'est agi pour chacune de d'approcher l'intimité des autres en ouvrant la sienne. Il y a vingt-trois « topiques » gestuelles qui composent Superman et moi, comme autant de paire de chromosomes, histoire de rappeler qu'il ne sera question que d'humain. Chacun de ces « topiques » est né de la confrontation des huit expériences autour d'un thème commun et très personnel : l'histoire d'une cicatrice, un organe préféré, etc. Ainsi, le plus individuel, ce qui différencie chaque humain est-il confronté à ce qui fait l'homogénéité de l'espèce Sapiens Sapiens.</p><p>Et Superman ? Le seul homme dont la présence soit sensible sur le plateau n'y est que par la voix. Il s'agit de Danyel Waro, immense chanteur réunionnais qui a réhabilité le Maloya, la musique des noirs « marrons » réfugiés avec leur héritage d'Afrique dans les hauts de l'île. Ce chanteur politique est aussi un formidable chanteur de l'amour et c'est cette dimension sentimentale qu'apporte la voix. Car au-delà de l'infini multiplicité du « divers » cher à Segalen, il y a aussi quelques constantes dont l'universel attachement amoureux, ce rêve du prince charmant, de Superman, voire du Surmâle d'Alfred Jarry. Avec les risques de déception qui vont avec quand on fréquente celui pour lequel, en substance, l'amour est sans importance puisque l'on peut le refaire indéfiniment… Ce qui est la négation même de l'individualité de chaque femme. Le coeur (à tous les sens du terme) de cette création se trouve donc là.<br /></p>