Il s’agit du troisième volet de ma trilogie relative à la purification bouddhiste du corps, de l’esprit et de la parole. Langage et musique sont très proches et en même temps éloignés. Dans Speakings, j’ai voulu réunir la musique orchestrale et la parole humaine. C’est comme si l’orchestre apprenait à parler, comme un bébé avec sa maman, comme le premier homme, ou comme entendre une langue très expressive que l’on ne comprend pas. Les rythmes et les intonations émotionnelles de la parole sont formés par la sémantique, mais par dessus tout, ils sont formés par des sentiments – à cet égard, ils se rapprochent du chant. Dans la mythologie bouddhiste d’Inde, il y a une notion de langage originel et pur, prenant la forme de mantras – moitié chant, moitié parole. On dit que le « OM-AH-HUM » est le berceau de tout langage. Le discours orchestral, lui-même touché par les structures du langage, est formé de façon « électroacoustique » par des « bribes de paroles » provenant d’enregistrements pris au hasard.
Les formes spectrales des voyelles et des consonnes vacillent dans des rythmes rapides et colorés du langage à travers les textures orchestrales. Un « vocodeur de la forme spectrale » tire avantage des complexités fascinantes du langage : telle est l’idée principale de cette œuvre. Le premier mouvement est comme une incarnation, une descente dans la vie humaine. Le deuxième s’intéresse aux jacasseries frénétiques de la vie humaine dans toutes ses expressions de domination, d’assertion, de peur, d’amour, etc. Il développe Sprechgesang, œuvre pour hautbois et ensemble, composée précédemment. Il se transforme jusqu’à devenir « mantra » et célèbre ainsi le langage rituel. Le mantra est orchestré et traité par un « vocodeur de la forme spectrale ». Le troisième est, comme le premier, plus court. Ici le langage est plus calme ; il se conjugue à une musique harmonieuse, un hymne proche du chant grégorien. Il y a souvent une seule ligne monodique qui se réverbère dans un grand espace acoustique. Il y a une petite division de ligne contre ligne, ou la musique contre l’auditeur, lorsque la réverbération élimine le sens de la séparation entre l’auditeur et l’objet musical. Le paradis du Temple de l’écoute est imaginé. Les mouvements sont joués en continu.
Jonathan Harvey.