Sound and fury, fait référence au roman de Faulkner par sa structure mais aussi par le côté évocateur de son titre. Chez Faulkner, une histoire récurrente intervient par bribes suivant les différents types de narrateurs mais les éléments de cette histoire ne sont pas présentés de façon chronologique. Ma composition reprends cette récurrence car il s'agit de la répétition d'une même succession de séquences dont certaines se trouvent amplifiées ou diminuées suivant le cas. La non-chronologie est totalement ancrée dans le principe même de la composition de cette œuvre. Les différentes sections n'ont pas été composées dans leur ordre d'apparition. Certaines sections, qui pourraient faire office de développement, se trouvent fréquemment présentées avant l'exposition de leur matériau.
L'autre élément est le titre lui-même et, en particulier, la particule and que je prends ici dans son acception temporelle, c'est à dire reliant deux mots dont l'ordre de présentation n'est pas sans importance : d'abord sound ensuite, fury. L'œuvre évolue ainsi dans une progression se dirigeant vers des structures de plus en plus violentes, pulsionnelles, pleines de fureur, caractérisées par des moments de saturation musicale de plus en plus « sauvages ». Cette violence recherchée est cependant, comme toujours chez moi, totalement organisée, que ce soit à partir d'une excroissance ou d'une prolifération de données de base très structurées, ou bien de l'irruption soudaine d'un élément que rien ne laissait prévoir dans un contexte donné. C'est, je l'espère, une violence composée.
L'orchestre, très important, est scindé en deux groupes : deux orchestres à cordes et deux orchestres de cuivres sont distribués à droite et à gauche. La petite harmonie, les percussions, les harpes et le piano se trouvent en position frontale. De nombreux éléments de symétrie spatiale parcourent l'œuvre de par la disposition même des instruments.
Philippe Manoury, Paris, le 26 Juillet 1999.