**Caprices**
Caprice 2 (lent)
Caprice 3 ( rapide)
Caprice 4 (volubile)
Caprice 1 (rapide)
Pour les compositeurs du vingtième siècle, l’« étude », contrairement à la « sonate » ou au « concerto », n’aura pas été seulement un _genre musical_ hypercodifié par l’histoire. Elle aura été, tout autant voire davantage, un terrain – friche, _terrain_ vague, parfois terre vierge – pour expérimenter le rendement musical d’une technologie donnée. Ces deux dimensions (surdétermination historique, ouverture à l’imprévisible par un processus d’expérimentation) sont présentes dans les études récemment composées par Naón et Stefano Gervasoni, créées ce soir.
Ainsi en va-t-il des _Caprices_ de Naón : à la tradition magicienne de Paganini et
Salvatore Sciarrino s’ajoute, outre bien sûr l’électronique (diffusion en 5.1, sons préparés et interaction en temps réel avec un nouvel élément du logiciel Modalys réalisé par Manuel Poletti), un effet d’_obstination_ – non exempt d’humour dans son insistance sur la figure du virtuose dans l’arène.
_Nicolas Donin._
Caprice : n.m. envie subite et passagère, fondée sur la fantaisie et l’humeur.
L’idée des caprices est née d’une proposition d’approfondissement et de recherche sur la synthèse par modèles physiques en relation avec un instrument. Au départ, cette idée était proche de la réalisation d’un cahier d’études. Le caractère virtuose et la nature fantaisiste, les changements fréquents et imprévisibles dans le travail de préparation ont acheminé l’œuvre vers cette dénomination plus appropriée. Ces Caprices sont doublement virtuoses. Ils proposent aux instrumentistes, un morceau rapide et de bravoure (ce sont les numéros impairs) et, par opposition, une pièce lente, non moins virtuose, mais centrée sur la volubilité et le timbre.
D’une durée approximative de 4 à 5 minutes chacune, ces petites pièces démonstratives cernent, chacune à sa manière, un aspect spécifique de l’instrument acoustique et de l’informatique. La situation musicale de ces pièces est, cependant, d’ordre concertant : en effet, le soliste visible est entouré, épaulé ou contredit par une foule d’instruments virtuels, parfois proches de lui, parfois très éloignés. Le calendrier de réalisation de ces Caprices, dont quatre sont donnés en création ce soir, s’étale sur près d’un an et demi de recherche en coopération avec les développeurs et ingénieurs de l’Ircam, et, d’étroite collaboration avec Manuel Poletti, dont l’approche et le design d’outils spécifiques ont été un apport inestimable. Ces six pièces constituent un trio de diptyques, dédiés à chaque fois aux instrumentistes pour lesquels ils ont été écrits : Laurent Korcia, Alain Billard et Florent Jodelet (ce dernier diptyque pour percussion sera composé dans le courant de l’année 2007-2008). À son tour, ce mini réseau est une pièce du puzzle que constitue le cycle « Urbana » dans lequel je me suis plongé il y a plus de dix ans et qui comporte vingt-cinq œuvres. Dans ce réseau, la somme des parties n’est pas égale à la totalité. Le parcours nécessaire pour atteindre l’œuvre, son devenir, et bien plus que l’œuvre elle-même. Les 6 Caprices obéissent également, à échelle réduite, à cette proposition.
_Luis Naón._
Note (Caprices 5,6****)
Ce dernier volet des _6 Caprices_ pour un instrument seul et électronique (_Urbana_ 11) est consacré à la percussion.
Le projet à l’origine de cette série de pièces était de confronter l’univers du logiciel Modalys à un instrument à cordes, à un instrument à vent et aux percussions (sons déterminés et indéterminés). Cette dualité de la percussion prend sens au cœur du logiciel et elle a, finalement, donné lieu à cette série de Diptyques.
Chaque Caprice impair est plutôt rythmique et fait appel à une virtuosité instrumentale plutôt traditionnelle, alors que les Caprices pairs se situent dans un jeu instrumental et informatique au cœur de la matière sonore et du timbre.
Au fil de l’évolution de l’écriture de ces pièces, qui s’est étalée sur environ deux ans, la nécessité de privilégier pour la percussion un instrumentarium unique, s’est affinée de plus en plus pour aboutir à la version actuelle. Si le « set » ne varie pas dans des termes d’informatique liés à Modalys, l’instrument reste inchangé – c’est l’excitateur qui est radicalement différent. L’univers harmonique des _Caprices_ 5 et 6 est identique, ce qui varie c’est la façon de le jouer – 2 baguettes pour le 5, 2 balais pour le 6.
Deux mots sur l’électronique :
Les _caprices_ pour violon (_1 & 2_) et pour clarinette (_3 & 4_) faisaient appel à deux volets essentiels de l’électronique : le traitement de l’instrument en temps réel et l’inscription ou fixation, au préalable, d’un grand nombre de sons issus des instruments alimentant d’une façon ou d’une autre le logiciel Modalise.
Pour les _Caprices 5 & 6_ la présence des sons préenregistrés est presque inexistante et se limite à une extension ponctuelle de l’instrument ou à un complément lors de mesures où celui-ci suspend son discours.
La vivacité d’une « électronique » très instrumentale, intimement liée à la captation des intentions de l’instrumentiste – principalement la hauteur et l’intensité – de manière constante nous a permis de développer, avec le concours inestimable de Manuel Poletti, une manière d’implémenter l’environnement électronique que l’on peut qualifier de « comportement instrumental ». Il s’agit d’une volubile transformation du son en constante évolution.
C’est, _in fine_, ce qui est perceptible dans l’ensemble de ces pièces, capricieuses par nature : une osmose entre l’électronique et l’instrument dont le trait de caractère est intimement lié au son produit.
L’axe de ces 6 pièces est donc la perception de l’énergie du son.
Le héros sur scène déploie ses armes y compris dans les hauts parleurs.