C'est à la demande de l'orchestre Festival Strings de Lucerne que fut composée cette partition au printemps de 1969. Le Groupe Instrumental des Percussions de Strasbourg en donna la première exécution au mois de septembre de la même année. Par ce titre de Silenciaire, l'auteur entend proposer une sorte de bréviaire du silence, matière dont notre temps a fait un phénomène précieux entre tous. De cette contemplation du silence, qu'il tend à considérer comme source de toute création et de toute vie, naît une découverte de l'espace intérieur, tant pour le créateur que pour l'auditeur. Le Silenciaire tente encore l'expérience de suggérer, à l'instar de certains phénomènes de la nature, l'absence de bruit à travers un enchevêtrement de sons qui peut aller jusqu'au vacarme. En d'autres moments, l'oeuvre ponctue de jaillissements sonores des plages de silence tissé de veinures à peine perceptibles à l'oreille. Seule l'impression totale que laissera cet ouvrage, une fois éteinte la résonance du dernier verset, dira à chacun s'il a pu isoler et cerner en cours de route un peu de la précieuse absence qui est la quête du Silenciaire Le redoutable arsenal de la percussion, dompté pour la circonstance, abandonne ses explosions et ses martellements traditionnels pour des nappes de sons enchevêtrés où l'oreille peut opter pour tel ou tel réseau de rythmes qui l'entraîne au coeur de la matière. Les cordes, elles, optent pour des métamorphoses et les deux phalanges antagonistes que sont, croirait-on, les cordes et les percussions deviennent deux complices dans l'aventure.
Maurice Ohana, catalogue raisonné de l'œuvre de Maurice Ohana, Revue Musicale, Editions Richard-Masse.