Dans le Quintette en sol mineur de Mozart (K 516, composé en 1787), le dernier mouvement commence par un adagio bien mystérieux : deux minutes mélancoliques, pensives, voilées puis l'allegro plus insouciant démarre en sol majeur. Deux minutes qui n'ont rien à faire avec le quintette. Or ce court adagio annonce par sa parenté mélodique et harmonique le fameux air de Pamina (lui aussi en sol mineur) de La Flûte enchantée (K 620) que Mozart composera alors trois ans plus tard. Une même marche, lente, triste, un peu désincarnée. Mélodie en fragments, au creux de l'oreille. Cela me fascine. Cette même inspiration en sol mineur qui flotte autour de cette fin de quintette que l'on retrouvera dans son opéra. Cet adagio de 1787, à rebours, joue un rôle d'annonce, de pré-visite de l'air de Pamina de 1790 comme à travers un filtre (magique ?). Car il est question également de filtre dans mon deuxième quatuor qui semble comme hanté par La Flûte enchantée, par le motif de son ouverture, par sa tonalité maçonnique de mi bémol. Non qu'il s'agisse de transcription ni de pastiche mais de création mêlée de fragments recomposés, de fondus enchaînées, de filtrage de souvenirs – parfois de faux souvenirs inventés... J'ai colorié mon quatuor de touches de couleurs tantôt vives, tantôt floues à travers une danse inquiète. Un seul mouvement de 11 minutes. Il y a du souffle (des bruits d'archets), des notes comme à demi-jouées (flautando), une musique fugitive et fluide (fugato), des pizzicato et des col legno nocturnes. Puis des temps de repos mystérieusement balancés vers ce sol mineur mozartien. Des temps superposés où chaque soliste joue dans son tempo particulier puis des retours à un tempo commun.
Des ribambelles de notes un peu « bon-enfant », ces croches pressantes de l'ouverture de La Flûte. Mon quatuor conclut pizzicato à la manière d'une petite boîte à musique jouant une aria de La Flûte enchantée, une musique de mandolines un peu enfantine qui se ralentit tout en se déréglant: cela ne suffira pas à cacher les moments troubles traversés.
Régis Campo, éditions Lemoine.