Nonsun est composé de trois parties de longueurs croissantes dont le tissu harmonique est intégralement élaboré à partir de sons multiphoniques (Les procédés qui permettent de constituer des champs harmoniques à partir d'objets sonores complexes , dont les sons multiphoniques, sont décrits dans : « Nouvelles techniques instrumentales : composition et formalisation », par G. Assayag, M. Castellengo et C. Malherbe. Rapport de recherche Ircam n° 38, Paris 1984) - sons instrumentaux complexes que, pour simplifier, on assimilera à des « accords » productibles par des instruments monodiques.
Ainsi la première partie est construite sur un multiphonique de clarinette basse en si bémol. Ce son complexe est simulé par les instruments ou par l'émission simultanée d'un son chanté et d'un son de clarinette en si bémol ( la clarinette basse n'est pas utilisée dans cette pièce).
La seconde partie utilise 5 multiphoniques de saxophone ténor, et la troisième 9 multiphoniques de clarinette, 3 de saxophone et 3 de basson, organisés en deux groupes contenant chacun un son commun (sol 2 et do# 3).
Un même objet sonore peut-être présenté sous trois formes :
- tel quel joué par l'instrument qui le produit
- simulé par l'émission simultannée de la voix et de l'instrument
- ses principales composantes joués en « accord » par les instruments.
Une telle démarche a ses nécessités :
- utilisation d'un tempérament ( ici en 1/4 de ton) plus petit que celui en 1/2 ton qui déforme trop les simulations et limite la fusion des sonorités instrumentales.
- dans l'instrumentation, qui au départ est celle du quintette à vent traditionnel, le piccolo remplace la flûte car l'harmonie spectrale étend la tessiture dans l'aigu ; au cor est substitué le saxophone ténor qui produit des sons multiphoniques de type bois alors que ceux du cor sont du type cuivre et d'émission assez difficile.
- les dynamiques sont souvent contrastées aux différentes voix, pour faciliter la fusion des sonorités évoquée plus haut. A noter à ce sujet le contre emploi du saxophone jouant presque toujours dans des registres très doux.
- enfin l'utilisation de techniques diverses : doigtés de substitution permettant de changer la hauteur, le timbre ou de faire rouler un son ; de sons éoliens, de pizzicato et de slaps, qui contribuent à reconstituer une complexité du matériau sonore.
Nonsun est le premier mot d'un poème de e. e. Cummings. La démarche de cet auteur ici, comme dans d'autres de ses textes, consistant à produire un sens multiplié au moyen d'une organisation syntaxique très élaborée m'apparait très proche de ma préocupation de compositeur. Ce titre évoque aussi toutes ces possibilités instrumentales laissées dans l'ombre par une tradition qui en faisait des parasites de l'émission instrumentale. Nonsun a été écrit pour l'Atelier de Recherche Instrumentale de l'Ircam, et créé dans ce même lieu en décembre 1984.
Claudy Malherbe, février 1986.