Le temps, mode d’emploi est une grande fresque musicale sur différents modes d’expression du temps. Le temps contemplatif ou actif, différé ou réel, continu ou discontinu, hétérogène ou homogène, lisse ou strié, pulsé, suspendu, revisité, circulaire, diffracté… Le temps physique, musical, mais aussi psychique. Le temps n’est pas simplement un réceptacle qui enserre notre vie et nos actions et perceptions, il peut avoir sa structure propre, sorte d’enveloppe qui pose son empreinte sur nous. La musique a toujours su exprimer cela mieux que n’importe quel autre médium. C’est sur la base de ces organisations temporelles que j’ai décidé de travailler, bien avant d’avoir écrit la moindre note.
Les deux pianos sont entourés par quatre pianos virtuels et un dispositif très élaboré de synthèse, de traitements et de spatialisation sonores. Le titre de l’oeuvre est naturellement un clin d’oeil à Georges Perec, que le compositeur a connu. Au cours de ses études au conservatoire de Montreuil, Philippe Manoury a pour professeur le compositeur Philippe Drogoz, qui n’est autre que le voisin de Perec. Quand il s’agit de donner une musique au film tiré de son livre L’homme qui dort, Perec s’adresse donc tout naturellement à son voisin. Lequel s’adressera à sontour pour l’enregistrer à ses étudiants – dont Philippe Manoury.
La référence va aussi au goût pour les jeux formels de l’écrivain, et notamment à la forme de La vie mode d’emploi qui suit la polygraphie du cavalier (le seul et unique parcours du cavalier passant une et une seule fois par toutes les cases de l’échiquier) puisque la pièce est un jeu sur le temps : « Avant même de commencer la composition, dit Manoury, j’ai fait des esquisses temporelles en essayant d’imaginer comment les processus se développeraient pour disparaître, et revenir ensuite en se régénérant. De là, j’aiélaboré une espèce de matrice temporelle très vague, qui m’a servi de canevas pour composer. »
Note de programme du concert du 16 juin 2017 au Collège de France dans le cadre du festival ManiFeste.