« … ainsi la beauté du monde résulte de la sage disposition descontrastes, qui constitue une certaine rhétorique de choses, et non deparoles ».
St Augustin – De civitate Dei
Depuis mon arrivée à Paris pour étudier à l’Ircam, ma pratique courante decompositeur se caractérise par un usage intensif de l’informatique, non seulement en tant que moyen de production de nouveaux sons mais aussi entant que véritable outil de conception.
L’autre coté de cet approche « analytique », qui s’adapte bien à des données faciles à « numériser » est mon intérêt pour les objets sonores complexes et instables, pour les instruments augmentés et les objets trouvés.
L’usage d’instruments d’enfant, jouets rudimentaires et modèles physiques informatiques au comportement imprévisible que j’ai fait dans pièces tels que Vesperbild est une tentative d’élargir la brèche entre notation et phénomène sonore jusqu’au point de non retour d’un chaos soigneusement noté, d’une écriture qui produit ses propres parasites. Soumis à un tour de force qui comporte l’usage massif de modes de jeu non conventionnels issus de la collaboration avec Séverine Ballon, le violoncelle de cette « Bataille » semble participer du même caractère.
La métaphore du Carnaval, le temps du désordre institutionnalisé, le monde à l’envers que, comme Giorgio Agamben dit dans son texte État d’exception : « manifeste dans une forme parodique la pulsion anomique qui est contenu dans le cœur même du nomos » semble bien se coller à l’idée musicale d’un système qui établit sa propre suspension.
Le titre de l’œuvre fait référence au fameux tableau de Pieter Bruegel (ainsi qu’à un texte anonyme du XIIIe siècle et à une Ballade d’Eustache Deschamps) qui met en scène la bataille entre banquet et jeun, hiver et printemps, charivari et silence, taverne et église dont le pendant littéraire pourrait être le combat entre Caresme prenant et l’armée des Andouilles dans le Quart Livre de François Rabelais.
L'image des deux armées qui s’affrontent se reflète dans cette œuvre à la fois comme simple opposition d’éléments musicaux et comme allégorie de la dialectique entre vie et loi, spéculation et réalité sonore.
Mauro Lanza.