L’écriture de ce concerto pour accordéon, (décembre 2007-avril 2008), ne fut pas une entreprise facile à mener, quand bien même cet instrument m’était cher, bien connu et souvent intégré dans mon travail. Mais voilà, en position de soliste, confronté à l’orchestre, l’accordéon n’invite pas (à mes yeux) aux mêmes puissances d’expressions des riches possibilités d’un instrument à corde par exemple. Le problème serait d’ailleurs identique avec certains instruments à vent peu enclins à défendre les lois du genre. Je ne voulais pas considérer l’accordéon comme un « orgue du pauvre », ou un harmonium agile et pompeux, ni rabâcher les effets éculés ou les confrontations habituelles et surannées avec l’orchestre dans ses trémolos vains et incessants que l’on rencontre souvent par ailleurs par-delà l’Oural.
J’ai souhaité jouer le jeu !
Ce n’est ni un Cavaillé-Coll, ni un orgue baroque Flamand, c’est un accordéon : « instrument à vent qui produit des sons grâce à l’action du soufflet sur des petites lamelles métalliques ». L’instrument est né en 1829 (Wien) pour y grandir et exister à travers le monde, intimement lié aux musiques populaires. Propos réactionnaires pour les grands accordéonistes « classiques » d’aujourd’hui, mais en dépit des remarques que l’on pourra m’objecter, c’est dans cette direction que je voulais diriger mon travail, en acceptant ce pari qui revêt parfois des allures de défit, pour mon ami Pascal Contet et nos diverses mémoires familiales.
Cet instrument musette fut si déterminant que j’ai souhaité calquer ses propres particularités à tout l’orchestre, notamment ce fameux clavier gauche qui fait apparaître deux rangées de basses accordées en quinte et trois rangées d’accords mineurs, majeurs et septièmes. C’est cette « géographie instrumentale », cette organologie du clavier, qui déterminera les éléments musicaux à venir. La matière, « l’objet » devient générateur d’une pensée ,.. si minime soit-elle !
De telles additions de quintes, amèneront forcément des superpositions d’échelles pentatoniques, les enchaînements anarchiques « d’accords classés » donneront des suites d’accords illogiques (sans aucun lien avec un quelconque contexte tonal), et de tout cela, de pseudo valses ou javas émergeront d’une manière bien dérisoire et lacunaire.
La rythmique à trois temps, est la rythmique populaire, idiomatique de l’accordéon musette et des jeunesses des années, 20, 30 et 40. Le jazz puis le rock imposeront plus tard leur quatre temps. (Si nos anciens du front populaire avaient pu posséder des walkmans, alors nous entendrions certainement quelques scansions,ces balancements si caractéristiques, émergeant des écouteurs). Cette métrique à trois temps existe en permanence dans la pièce, comme un « objet extérieur » qui souvent se trouve décalé par rapport au déroulement de la musique. Même, si parfois elle pourra s’inscrire en accord avec ce qui est principalement joué, elle s’y affichera souvent en totale contradiction, s’affichant ainsi dans une métrique à 4, 5, ou 7 temps, ou se superposant à des mesures à trois temps mais sur d’autres valeurs rythmiques.
Ces « effets d’annonces » prendront un caractère différent, tantôt désuet, pitoyable même, ou parfois tragi-comique.
Il s’agit donc d’une comédie, comme il est dit pompière (un des mouvements propose un galop bien pompier), sociale (mémoire ouvrière) et réaliste (qui ne renie pas la réalité de l’instrument !). Et cette comédie se déroule en quatre mouvements sans aucune interruption.