« Trouver le titre d’une pièce me pose toujours problème. Pour Hypothèses du sextuor, c’est venu complètement par hasard. J’étais alors au Japon et je discutais avec un couple de curateurs d’art. Ils venaient de faire une exposition autour du cristal et l’avaient intitulée Hypothèse du cristal. J’avais trouvé ça très beau. Et le concept d’hypothèse m’a paru très adapté à l’écriture de cette pièce. J’y joue énormément sur l’idée que les musiciens ne peuvent pas réellement coexister à six tout le temps. D’un bout à l’autre de la partition, l’un au moins des instruments prend un point de vue singulier et individuel, et le sextuor ne se réunit jamais réellement autour d’une idée commune – comme six personnes qui n’arrivent pas à se mettre sur la même longueur d’onde ou encore Six personnages en quête d’auteur, la pièce de Luigi Pirandello… »
Propos recueillis par Jérémie Szpirglas.
Deux événements ont surgi pendant la composition de ce sextuor. Dans un petit village de Corrèze où j’ai commencé cette composition, la neige s’est installée. Et comme souvent les mots me conduisent à des musiques, je me suis laissé envahir par ce petit motif poignant et répétitif du merveilleux prélude de Debussy, Des pas sur la neige. À ce moment même, je faisais des expériences sur les meilleures manières de produire des harmoniques au piano en mettant mes doigts sur ses cordes. Comme par miracle, ces deux événements se sont appariés. Les secondes majeures et mineures de ce prélude pouvaient sonner différemment suivant les harmoniques choisies. L’expérimentation a rencontré la fatalité. J’ai donc intégré ce petit morceau de Debussy non pas comme une citation, mais comme possibilité d’une convergence entre les caractères de ces six musiciens. Possibilité d’une blancheur dans laquelle les traces de pas, par la divergence de leurs parcours, renvoient aux méandres des digressions sonores.
Philippe Manoury.