L'idée qui amorça cette œuvre, constituée de cinq courtes pièces, fut de composer chaque jour un fragment d'environ une minute et, en même temps, d'essayer d'oublier ce qui fut composé la veille. « Je me suis efforcée, explique la compositrice, au moyen de cette espèce de mémoire amnésique de trouver différents types sonores. » Quant au rapport texte/musique, Olga Neuwirth voudrait y voir une dénonciation de tous les contresens de notre société : le règne de la règle sous l'apparence de la légitimité, les catastrophes que l'on badigeonne de plaisanteries. À partir de là, cette musique dévoile son « efficacité en même temps que son côté paradoxal » ; les notes montrent leurs entrailles. L'humour doit nous faire rire de nous, nous « le seul, unique et lugubre objet de notre mémoire ». Cette œuvre, qui est peut-être « l'esquisse d'une théorie provisoire, conclut Olga Neuwirth, aura une fin ; non dans le son, mais dans la continuation de la vie. Le rêve ne doit pas mourir. » Et il ne peut perdurer, semble nous souffler la compositrice, que si l'on prête une oreille attentive et attentionnée au charivari de l'enfer et aux frôlements du royaume des ombres. Grâce à cela, Neuwirth pourra maintenir « spontanément une tension électrique entre « artificiellerie » (Künstlichkeit) cultivée et ultraréalisme, entre rêve et réalité, rire et effroi – dans lesquels nous nous retrouvons, ce monde moderne à la fois étranger et familier. » Celui qui provoquerait encore le « rire strident » de Zarathoustra...