Erinnerung est une pièce construite à l'image d'un souvenir reconstitué. Le référent est la troisième pièce pour orchestre op. 16 de Arnold Schoenberg, Farben. Le premier agrégat de Farben sert de modèle mémoriel pour une trame, ici reconstituée comme un réveil après un rêve marquant. Les agrégats utilisés ont donc le profil de la pièce d'origine, sans être textuels, sauf le premier, do sol dièse si mi la, transposé une quarte au-dessous, premier geste déformant, associé à une grille de durées assez loin de la durée originale.
La pièce est constituée de quatre mouvements, chacun s'approchant ou s'éloignant de ce souvenir, parfois pour la durée entière du mouvement, (mouvements 1 et 3), parfois partiellement (mouvements 2 et 4).
Comme dans d'autres œuvres, le déroulement temporel est fixé, séquence par séquence, afin de donner une assise à ce qui ne serait qu'une ébauche non transmissible. Par conséquent, la construction est tiraillée entre un développement obligé, et des commentaires plus ou moins proches.
L'électronique en temps réel est là pour accuser cet espace incertain entre souvenir fidèle s'il en est, et retransmission déformante, via l'écriture ou la réécriture d'un schéma dont la teneur un peu obsessionnelle est revendiquée comme opération sur la mémoire. Les transformations électroniques sont presque toutes issues de patches Max dont l'utilisation est plus proche de la variation que de l'addition hétérogène. La variété obtenue est compensée par l'homogénéité de l'instrumentarium très référencé qu'est le quatuor à cordes.
La diffusion par quatre HP est strictement associée à l'écoute frontale du quatuor. Pas de spatialisation spectaculaire ici, ni de mouvement brusque dans l'espace. Seule la dernière section du dernier mouvement opère un transfuge de l'avant vers l'arrière pour une reconstitution imaginaire d'un geste initial nourri par sa propre exacerbation.
Denis Cohen, programme de la création, Agora 2009.