Ma la ringorgata acqua si vada raggirando
pel pelago, che dentro a sé la rinchiude, e con retrosi
revertiginosi in diversi obbietti percotendo e risaltando in aria
colla fangosa schiuma, poi ricadendo e facendo
refrettere in aria l’acqua percossa.
E nessuna cosa più lieve che l’acqua era, che non
fussi coperta di diversi animali, e quali, fatta tregua,
stavano insieme con paurosa collegazione, infra’ quali era
lupi, volpe, serpe e d’ogni sorte, fuggitori della morte.
Leonardo da Vinci “Il Diluvio”
Pendant longtemps, les œuvres littéraires de Leonardo da Vinci (1452-1519) n’ont été scolastiquement considérées qu’une curiosité à côté de la connaissance et de l’étude des œuvres décidément plus importantes du peintre et du savant. Certes, Leonardo, « omo sanza lettere » en raison de son origine et de sa formation très particulière, ne possédait pas la langue parfaite et polie des écrivains de son époque ; toutefois, pendant sa vie, il a surmonté cette difficulté en revendiquant la supériorité de la connaissance acquise à travers l’expérience directe de la nature par rapport à celle acquise à travers l’étude théorique des livres. En tout état de cause, il possédait sans aucun doute un don de l’écriture très original et, à l’œil moderne, quelques-unes de ses œuvres sont des fulgurantes anticipations d’usages de la langue qui ne seront appréciés et exploités qu’après des siècles.
Parmi ses textes littéraires les plus connus figure certainement Il Diluvio, un recueil de pièces différentes sur ce sujet, dont certaines très courtes et partiellement reliées aux deux célèbres dessins ci-après (Windsor f. 12378, f. 12383) :
[image:42][Windsor f. 12378, f. 12383]
La charge d’abstraction évidente de ces études de tourbillons formés lors du Déluge par l’eau, l’air et la terre permet d’identifier la nature des textes. En effet, il s’agit d’expériences radicales de peinture phonétique où ce sont la sculpture du son, les trajectoires dessinées par le mouvement tourbillonnant des liquides, des dentales et des sibilantes qui reproduisent la morphologie du Déluge plutôt que la description pure et simple (qui pourtant est toujours très rationnelle).
À travers l’activation de réflexes perceptifs profonds, une synesthésie se crée qui oblige à écouter et à imaginer avec une vivacité qui va bien au-delà de la lettre dans une puissance de réverbération intérieure presque prodigieuse. Leonardo a réussi à découvrir et « pincer » de manière magistrale les cordes secrètes unissant directement le son des mots à l’image, parfois sans aucune nécessité de passer par la signification.
Le désir d’utiliser le texte de Leonardo comme une matrice en vue de générer un vaste Déluge musical et visuel est donc inévitable.
Effectif choisi : six voix, six joueurs de percussions, électronique et projection vidéo à plusieurs écrans.
Tout d’abord, le projet identifie l’exigence de construire un espace ad hoc. Une écoute frontale et limitée au centre ne permettrait pas de restituer et d’amplifier la puissance sensorielle de la matrice de Leonardo. En conséquence, il nous faudra une structure qui puisse envelopper le public, si possible à 360°, en le plaçant au centre d’un événement complexe dont chacun pourra, en tournant sur place, suivre à chaque fois des zones étendues, mais jamais le tout simultanément. Les images et les sons redessineront complètement l’espace d’accueil et, en même temps, devront maintenir la clarté architecturale (la logique descriptive lucide de Leonardo) tout en provoquant un effet d’annulation continue de toute certitude dimensionnelle.
Le point critique ? Évidemment le choix de ce qui sera effectivement représenté, à savoir les matières et les sujets sonores et visuels. Pour nous, bien entendu, il n’est pas question de traduire et d’élargir le « naturalisme » littéraire du texte, mais plutôt sa morphologie perceptive tout en respectant sa concentration sur le signifiant. En conséquence, il ne s’agira pas d’une représentation du « Déluge » ; il s’agira d’une construction de formes différentes et innovantes de Déluge sur tout sujet, à partir de celle que la simple lecture du texte produit dans notre corps. Tout comme les animaux qui « après la trêve, restaient ensemble liés dans leur peur, parmi lesquels des loups, des lapins, des serpents et bien d’autres, s’enfuyant de la mort », les associations thématiques imprévisibles provoquées par le son du texte vivront l’une à côté de l’autre témoignant du chaos ordonné auquel la forme de religion que nous appelons « nature » tend inévitablement. Il s’agira essentiellement d’explorer et de moduler un espace esthétique dont les extrêmes sont, d’une part, le jeu des signes pur et simple et, de l’autre, la matière plus violente et sourde, en passant par des oasis dont le symbole et le sens partagent une heureuse évidence objectale.
Il Diluvio est aussi un modèle intéressant du point de vue de sa composition et de sa forme, dont l’irrégularité correspond parfaitement aux rythmes complexes des descriptions. De longues sections s’écoulant d’un seul souffle s’alternent à de courtes phrases revêches à la signification hermétique, ce qui crée une juxtaposition de panneaux hétérogènes correspondant aux divisions d’une fresque imaginaire et problématique, dont le point de vue modifie abruptement sa distance par rapport à l’objet. Ceci offre de précieuses suggestions à notre œuvre aussi bien en termes de jeu avec l’espace physique et virtuel qu’en termes de stratégie du rapport musique-image.
La durée prévue de Descrizione del Diluvio est d’environ 70 minutes.
Remarques sur la vidéo
La conception de la partie visuelle comportera, dès la phase préliminaire, des réflexions étroitement liées sur trois problèmes : la définition de l’image, la configuration du dispositif scénique de projection multiple et les contenus.
S’agissant du premier aspect, le choix de travailler à partir de la Haute Résolution est presque forcé. La qualité supérieure de ce type de format s’impose en raison de la proximité inévitable du public à la projection (distribution enveloppante), de l’évolution générale de la qualité des productions vidéo et, surtout, de la nature des compositions vidéoplastiques d’images que nous souhaitons réaliser à travers de complexes techniques de prise de vue, de post-production et de synthèse à sauvegarder lors de la phases de finalisation et de projection.
La taille, le nombre et la position des écrans auront une influence déterminante sur plusieurs aspects, parmi lesquels figurent : la stratégie de modulation d’un espace de composition allant de l’identité totale à l’altérité complète entre les contenus visuels des différents écrans ; le choix de la topologie des images présentées, à savoir leur composition dans l’extension plutôt que dans la superposition spatiale ; le contrôle (en cours de création et de représentation) de la géométrie et du mouvement globaux.
Pour une adhérence parfaite à l’idée originale, il serait nécessaire de placer les écrans comme s’ils étaient d’énormes tableaux animés tout au long du périmètre de l’espace de représentation. Les écrans sont idéalement au nombre de douze : deux écrans en proportion 4:3 sur chaque côté court et quatre écrans en proportion 16:9 sur chaque côté long d’un plan rectangulaire idéal. L’utilisation de techniques de juxtaposition des écrans aptes à obtenir de vastes surfaces de projection continue est exclue ; au contraire, nous privilégions une idée de séparation et de répartition fondée sur notre interprétation des suggestions dimensionnelles du texte.
S’agissant des contenus, les premières idées à développer sont : travail sur la transformation du corps à travers la peinture (il suffit de songer aux Bestiaires médiévaux) ; exploration vidéo-photographique du détail de la matière des surfaces comparée et conjuguée à l’exploration du détail infini des textures procédurales d’origine synthétique ; des lieux qui monstrueusement s’ouvrent sur d’autres lieux (à partir de l’espace de représentation effectif) ; travail sur la lumière à l’état « pur » à l’aide d’images aussi bien vidéo-photographiques que synthétiques (algorithmes de rendement de la lumière en fonction de modèles physiques) ; travail de sculpture abstraite de fluides ; mobiles graphiques dans un style optical obtenus à partir de matières d’origine photographique ou synthétique ; micro-performances de détails de figures organiques ; calligraphies. En général, le code esthétique commun sera une invasion et une évasion continues des seuils perceptifs de discrimination entre la prédominance de la figure et celle de la texture.
Remarques sur la musique
Remarques préliminaires sur le dispositif scénique
Du point de vue technique, le cœur du dispositif scénique sera formé d’une série d’ordinateurs destinés à la reproduction des play-list vidéo et audio ainsi qu’à l’élaboration de processus de transformation et de spatialisation du son en temps réel. Les deux sous-systèmes vidéo et audio seront reliés dans un réseau d’ordinateurs partiellement indépendants à contrôle central. Le sous-système vidéo fournira n flux vidéo indépendants et synchronisés en fonction du nombre d’écrans. À travers un logiciel de gestion ad hoc, il sera possible de passer par découpages inaperçus d’un élément à l’autre des play-list vidéo et ce, en vue de laisser aux exécuteurs la possibilité physiologique de jouer sans métronome tout en restant toujours coordonnés à la partition visuelle. Le sous-système vidéo pourra être contrôlé en mode local et à distance par le sous-système audio.
Sous-système audio (idée de l’électronique)
Système de diffusion du son
Un autre aspect important à contrôler lors de l’aménagement du site sera la quantité de lumière présente dans l’espace, qui devra être réduite au minimum afin d’éviter de compromettre l’efficacité des projections. Dans ce but, nous songeons à l’utilisation de moniteurs LCD à la place des pupitres traditionnels : chaque exécuteur verrait la partition se défiler sur son moniteur, éventuellement à côté de l’image du chef d’orchestre.
Mauro Lanza.