Lorsque j’ai commencé à réfléchir sur ma pièce Dans l’heure brève, je me suis posé essentiellement des questions formelles : comment créer une forme musicale qui se modifie sans cesse au cours du déroulement de l’œuvre, qui se renouvelle au fur et à mesure que l’on avance dans l’écoute, c’est-à-dire comment donner à chaque instant successif un poids suffisant pour faire basculer notre compréhension de ce qui s’est passé. Mais ceci en donnant en même temps l’impression que la musique va toujours dans une direction précise, qu’elle ait un sens, qu’elle reste dynamique.
Pour parvenir à ce résultat il m’a paru nécessaire de travailler sur des aspects musicaux reliés le plus directement à la perception. En choisissant quelques uns de ces aspects les plus « efficaces » perceptivement, en les faisant évoluer d’un extrême à un autre, progressivement, puis en revenant au départ brutalement et à nouveau en allant progressivement vers l’autre extrême en un processus cyclique en dent de scie, en décalant les aboutissements des processus pour chacun de ces aspects, il me semblait que je pouvais déplacer l’intérêt perceptif et arriver ainsi à l’effet recherché.
J’ai élaboré en conséquence le plan formel de la pièce en travaillant sur le niveau d’appréhension de l’œuvre musicale le plus immédiat, le plus signifiant perceptivement, celui des images sonores, en faisant évoluer de manière décalée quatre de ces aspects :
- les registres : de l’aigu au grave.
- l’instrumentation : du duo au tutti.
- les nuances : du pianissimo au fortissimo,
- la texture : d’un aspect gestuel, agité, heurté à celui de trame.
Jean-Luc Hervé.