Alain Galliari
Michael Jarrell, vous venez d'achever Assonance IX, pour clarinette et orchestre, que vous a commandé l'Orchestre de Paris. Quel est le lien avec la première Assonance, pour clarinette seule ?
Michael Jarrell
La relation est ici un peu particulière, puisque Assonance IX sera sans doute la dernière pièce de ce cycle La série des Assonances est peu à peu devenue pour moi une sorte de cahier d'esquisses, ce droit singulier des arts plastiques qui a toujours été dénié aux musiciens. Droit de tenter des situations, d'essayer des idées ou de chercher des solutions dont certaines pourront être développées ailleurs et d'autres laissées en suspens C'est encore le cas de cette dernière pièce, à ceci près que les tentatives qui se trouvent esquissées ici devraient se révéler plus riches de conséquences que d'autres. Cette dernière pièce pourrait donc bien devenir le début d'autres chose L'œuvre engage en outre un trés grand orchestre, ce qui n'est le cas d'aucune des Assonances précedentes Quant à la relation avec la première Assonance, elle est bien sûr particulière ; non seulement parce que la dernière revisite d'une certaine manière le matériau de la première, qu'elle replace dans une perspective où il acquiert un sens nouveau. Assonance IX met en quelque sorte un point final au cycle en réinterprétant le matériau duquel il est issu.
Alain Galliari
En écrivant pour clarinette et orchestre, vous renouez avec le genre longtemps délaissé, voire méprisé, du dialogue concertant.
Michael Jarrell
J'ai déjà écrit plusieurs pièces avec solistes (dont Assonance V, pour violoncelle et quatres groupes instrumentaux, composée en 1990). A l'époque, je n'avais pas l'idée, ni l'envie d'écrire un concerto, mais une musique qui trouverait son origine chez le soliste et se diffuserait naturellement à l'ensemble instrumental, comme une tache d'encre sur un buvard. Je me suis toutefois rendu compte qu'au delà des idées ou des volontés, la pièce avait finalement cette allure de concerto que je n'avais pas voulu. Quoiqu'on veuille dire ou faire, la seule présence d'un soliste ramène inévitablement à la situation du concerto classique, et que personne ne pourra empêcher que l'oeuvre soit perçue comme telle. Autant dès lors en accepter le principe, et travailler aux spécificités du genre. J'ai pu en outre remarquer que le dialogue concertant stimule fortement l'intérêt du public, comme celui des musiciens de l'orchestre. La maîtrise et l'engagement du soliste impose en effet un dynamisme et une aura dont l'œuvre elle-même finit toujours par bénéficier. Je trouve en outre trés motivant d'écrire pour un soliste dont j'admire la maîtrise et les qualités musicales. Pour moi, ce lien direct avec une personalité est très important.
Michael Jarrell, propos recueillis par Alain Galliari, avec l'aimable autorisation des Editions Lemoine.