Composé en juillet 1998 à la demande de Charles Frey, directeur artistique de l'Orchestre Poitou-Charentes et dédicataire de l'œuvre, Art d'Echo illustre assez précisément les recherches que je mène depuis quelque temps dans le domaine de la dramaturgie musicale. Dans mes productions récentes, c'est la notion de conflit qui articule principalement le discours et la forme, et cela à des niveaux très différents : confrontation d'un soliste à un ensemble plus vaste, mise en perspective d'idées musicales contrastées, voire antagonistes... L'instabilité et le déséquilibre génèrent donc l'œuvre. Dans le cas d'Art d'Echo, je voulais pousser ce principe à l'extrême en travaillant sur des matériaux musicaux nombreux et différenciés, dans une logique véritablement rhapsodique. La pièce s'articule autour d'une dizaine d'idées musicales, qui organisent la forme par leurs développements respectifs, par leurs éventuels retours... Le discours repose rarement sur une conception linéaire ou procédurale : au contraire, le flux est discontinu, et fonctionne par ruptures. De même, sur le plan sonore, je voulais créer le conflit à l'intérieur du cadre « démocratique » de l'orchestre. C'est alors que j'ai décidé de diviser l'effectif global en deux ensembles, disposés aux extrémités de la scène. Ce procédé me permet de jouer sur des effets de spatialisation : sons en écho (d'où le titre), trames continues se déplaçant dans l'image stéréophonique... En outre, les changements abrupts de localisation ont leur propre rythmique, qui se superpose quelquefois à l'animation interne de la texture. Par ailleurs, la spatialisation occupe une place importante dans l'articulation dramatique de l'œuvre. Mon expérience dans le domaine de la diffusion électro-acoustique a influencé mon écriture instrumentale. En effet, on peut considérer la projection d'une bande par un « orchestre de haut-parleurs » comme un moyen de mettre en relief la forme de la pièce inscrite sur le support l'adaptation de ce principe aux instruments est devenu un paramètre primordial dans le travail de composition. Il ne s'agissait donc plus de jouer simplement sur des effets sonores, mais bien d'instaurer le conflit entre les deux ensembles, d'établir une véritable hiérarchie entre eux, et d'ouvrir de nouvelles dimensions dans la conception et la vie interne de la forme. L'espace est alors lié au temps, à la structure, parce qu'il est un des révélateurs de l'idée musicale et qu'il détermine son devenir.
Bruno Mantovani.