Six des sept mouvements d’Arcadiana convoquent des images d’« idylle », idylle perdue ou imaginaire, disparaissant ou disparue. Les mouvements impairs ont tous une tonalité aquatique, et pourraient être joués l’un après l’autre en toute continuité. On peut dans le premier mouvement entendre la ballade de quelque lugubre gondolier, et une figuration du Lied de Schubert Auf dem Wasser zu singen dans le troisième ; dans le cinquième mouvement, on voit un bateau roulant doucement vers L’Isle Joyeuse ; le dernier (Lethe) est une évocation du Fleuve de l’Oubli. Le deuxième et le sixième mouvement convoquent chacun dans son style un jardin d’Arcadie – dans la mythologie grecque, le jardin d’Arcadie est la demeure de Pan, en quoi les poètes antiques, puis ceux de la Renaissance, verront un pays de délices. Dans l’un, c’est le royaume de la nuit de Mozart, figuré par les clochettes d’argent de Papageno qui accompagnent la Reine de la nuit ; dans l’autre, Adès jette un regard tendre et nostalgique sur Elgar, son aîné, et son Angleterre victorienne – avec dix-sept mesures devotissimo en mi bémol, la tonalité de Nimrod. Reste un intrus, le quatrième mouvement. C’est un mystérieux et troublant tango mortale inspiré par l’Et in arcadia ego que Nicolas Poussin a illustré par deux fois de la même manière : des bergers réunis autour d’un tombeau (lequel porte cette laconique inscription latine).