Animus est un mot latin. Il signifie « âme », dans le sens d'esprit, d'humour, de caractère ; mais il symbolise également le souffle vital, la respiration, la pulsation même de la vie. Partout nous assistons à une lutte sans pitié entre l'âme impalpable et cependant si vive et si présente, et la tentative perpétuelle de l'homme de lui donner forme, de la reproduire, de l'enfermer dans une architecture temporelle.
Cet animus, cette essence, de nature à la fois physique et fuyante, constitue la matière des rêves, en même temps que la matière du corps, le souffle : c'est-à-dire ce que nous pouvons nous représenter de plus humain. Chaque fois que nous tentons de « fixer » l'intuition du monde, par le biais d'une œuvre par exemple, nous faisons acte de violence. Mais elle est nécessaire. Chaque fois que nous couchons une note sur le papier, nous nous livrons à une discrétisation obscène de l'expérience : nous commençons à formaliser la trajectoire perceptive.
Il existe néanmoins une frontière, particulièrement mystérieuse et fragile, au-delà de laquelle, subitement, nos signes deviennent parlants ; ils sont en quelque sorte aspirés dans le magma incandescent du monde, et réintègrent le cycle vital. Pas toujours avec succès... Et quoi qu'il en soit, pas de la façon désirée, ni au moment souhaité.
Animus relate donc l'histoire qui se déroule entre un animal (humain) et une pièce de métal. Au début, le rapport entre les deux, purement psysiologique, est fondé sur la plus élémentaire des scansions temporelles : le souffle. Puis, graduellement, la découverte mutuelle conduit à une « invention » de l'écriture, c'est-à-dire une tentative de maîtriser ce qui s'est révélé être un instrument. Cette formalisation progressive devient si étouffante qu'elle finit, à la fin de la pièce, par inhiber la respiration même. L'ordinateur explore ces deux corps, grâce au va-et-vient d'un zoom examinant leur matière organique : la chair, le métal. Puis il les fait exploser dans l'espace. Tente finalement de les recomposer. La discrétisation maximale de l'expérience, qui, à la fin, devient une sorte de machine infernale, voudrait incarner une nouvelle évidence iconique, hypnotique. Mais cela est-il possible ?
Animus a été réalisé à l'Ircam pour Benny Sluchin.