On pourrait confondre Lontano (1967) et Atmosphères : même formation (un grand orchestre sans percussions), même condition de création (à Donaueschingen par l'Orchestre du Südwestfunk), apparemment même discours musical, celui des masses et du timbre en lent mouvement continu. Pourtant en 1967, après Volumina pour orgue, le Requiem et le Concerto pour violoncelle, toutes oeuvres de même principe, le problème n'est certes plus de prouver la validité de cette approche globale de l'orchestre ; mais de revitaliser cette démarche par de nouvelles idées. Ce sera celle de ne plus faire évoluer des masses, des pleins et des déliés dans l'espace musical ; mais de faire fluctuer, miroiter l'harmonie dans une préfiguration de ce que, quelques années plus tard, on appellera la musique spectrale. Car il est ici question de couleurs et non de volumes : « Il n'y a pas un parcours unique de transformations harmoniques, mais plusieurs simultanément, avec des tempi variés, qui scintillent les uns par rapport aux autres, se superposent, et qui, par l'intermédiaire de nombreuses diffractions et miroitements, créent une perspective imaginaire » (György Ligeti). Le procédé d'écriture est toujours celui de la polyphonie microscopique perçue comme harmonie, mais ici, notamment en raison des micro-intervalles, l'harmonie elle-même est moins un accord qu'un spectre qui constamment cristallise et se dissout, devient couleur ou silence.