Vous venez de travailler pour la première fois avec l'Ircam, comment se sont déroulés les séances de travail ? Est-ce une façon différente, moins solitaire, de concevoir l'acte de création ?

Jacques Lenot : Je distinguerais trois phases dans le travail accompli : — la phase poïétique proprement dite, où s'ébauche puis se charpente le projet d'œuvre musicale. C'est le moment des plans, de l'architecture et du matériau ; — la phase de réalisation technique, où les outils créés collectivement sont à la disposition du compositeur. Je dirais que c'est durant cette phase que la collaboration avec l'Ircam prend place ; — la phase de diffusion, qui fait intervenir la réception et le jugement esthétique. Nul doute que tout compositeur a une conscience aiguë des références esthétiques de son projet (les qualificatifs ne viennent-ils pas, quisi immédiatement, connoter toute réception ?). Il sait combien cette inscription esthétique revêt de signification. En d'autres termes, cela signifie que je suis venu dans les studios de l'Ircam muni d'une œuvre déjà formée, doublée d'un projet de réalisation en sons électroniques déjà défini. Ce qui fut tout à fait fructueux, ce fut la disponibilité de mes deux collaborateurs successifs, Éric Daubresse puis Grégory Beller, au service de cette phase de réalisation ; tant leur patience de médiateurs ont permis un développement intéressant de la première phase.

Vos références extra-musicales sont nombreuses et assumées, pourquoi ?

J. L. : La littérature et les arts plastiques sont effectivement des compagnons de vie ! C'est le contraire qui me paraîtrait surprenant… Est-ce un point de départ pour la composition ? Non, dans le sens qu'il n'y a aucune relation de cause à effet entre les œuvres littéraires que j'investis et mes projets musicaux : ces deux mondes vont de pair mais n'entretiennent pas de rapports fonctionnels l'un avec l'autre. En revanche, il arrive fréquemment que l'immersion dans le style d'un auteur (ou dans mes affects en tant que lecteur) m'offre cet espace de liberté indispensable à ma propre projection dans une nouvelle pièce sonore.

La façon d'aborder le lieu (Saint-Eustache), la forme ou le timbre est sans doute différente avec une pièce instrumentale ?

J. L. : Je n'avais pas prévu que le lieu serait nécessairement une église. Mais la hauteur de laquelle les sons « tomberaient » me semblait constituer un impératif. Saint-Eustache se révèle effectivement le lieu idéal pour ce projet. Bien davantage que les timbres, ce sont les textures et les intervalles qui jouent un rôle déterminant. La microtonalité est ici explorée en corrélation étroite avec le « poudroiement » que je voulais obtenir…

©Ircam-Centre Pompidou

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