<p>I : Le lieu du lieu<br />Ce papier vierge sur lequel va s’inscrire ce qui n’existait pas<br />D’abord, ce plaisir d’écrire : cela n’existait pas avant<br />Là , quelque chose n’est pas encore, qui sera demain</p><p>Poser l’espace, placer la ligne comme une question en suspens<br />Déposer ce signe, puis écouter</p><p>Les choses à leur place<br />Dans ce lieu-là : le silence. Pas un silence extérieur mais qui habite<br />Je ne sais pas décrire ce lieu</p><p>A Trois<br />Deux mots ombres des ombres<br />Le mot Un peu de voix</p><p>Il laisse derrière lui la place, ou une trace pour ouvrir une naissance de dire<br />Tel ce personnage frôlant l’autre, comme ça, de frottement en frôlement<br />S’il y a de la lumière dehors, c’est encore mieux<br />La musique passe à travers les feuillages, c’est bien que ce soit un matin<br />Dès le départ, chaque chose à sa place, en fonction déjà de la fin de l’œuvre, bien qu’inconnue</p><p>Lit du lit Visage<br />Devant<br />Lien dans l’invisible lieu Le lieu du lieu<br />En hauteur<br />Lumière dans la lumière À tourner dans nous<br />Je ne veux Silence<br />Peu de voix Tu es<br />J’allais Oui<br />La bouche Oui</p><p>Intermède I<br />Rome, mille neuf cent quatre-vingt quatorze</p><p>II : Le champ des possibles<br />P<br />Regarder cette voix, qui s’éloigne en continu du sol<br />Bruit<br />Onze notes auxquelles il manque le sol<br />Juste à cet endroit, là <br />Ah oui ! Si oui !<br />La chanteuse attrape le son<br />Voix<br />Revenir au sol : le nom du son<br />On l’entend<br />Non, il dit plutôt : « la pièce va commencer »<br />La difficulté d’émettre un son<br />On découvre sur le rivage ce sol<br />Flux<br />Et puis revient le mot lumière<br />Avec deux filtres : Fa, Mi<br />P<br />Comme si une vague se retirait du sol<br />Lieu<br />Ce même lieu qui s’élargit<br />C’était cette note-là , on l’entend à peine<br />Et après, j’ai écrit ça<br />Fuite<br />Si<br />Chaque jour ouvre sur différents champs : l’écriture<br />Silence<br />Là , couleur<br />Le son repart<br />Non<br />Il ne commence pas la pièce<br />Point de fuite<br />Commencer<br />P<br />Dire<br />À peine<br />Si, ah</p><p>Intermède II<br />Cri<br />Un peu de mot<br />Voix Visage<br />Du lit<br />Une sorte d’attention, d’écoute dans les écoutes, même avec les objets.<br />C’est seulement imprécis : on entend sans être certain de la véracité de cette écoute intérieure<br />Il faut du temps, beaucoup de temps, jusqu’à la sensation de déséquilibre<br />Avoir tout ce poids en moi, pour pouvoir réaliser cela : la place dans le temps des éléments, et puis leur qualité, évidemment</p><p>Aulnay, Ircam, année deux mille deux</p><p>III : Très près du son<br />O<br />Quelque chose va vers le silence<br />Très près du son</p><p>Consonnes Instruments Vois Voyelles Répéter</p><p>L’invisible Si lance la lumière dans le lieu du vent</p><p>Au moment où je commence, juste avant de commencer…<br />Commencer à définir ce que serait ces A, ces A’, sous une forme plus hachurée, plus hachée, puis, ces sortes de mouvements obliques, ces trajectoires parallèles</p><p>Retire les sons<br />Visibles liens de voix<br />Vois, la voix est lieu de vie<br />Quelque chose déplie le tempo</p><p>Voyelles Souligner<br />Réutiliser Répéter<br />Répéter Relire</p><p>Essayer, tester, puis rajouter du bruit. Cela est un rapport entre les voyelles et les consonnes. Je crois que c’est l’instrument qui ne fait que les consonnes, et les voix les voyelles. La voix ne ferait que les voyelles, la fin serait l’inverse, petit à petit. Tout le monde fait des consonnes. Ça commence par consonnes/instruments, consonnes /voix. La chanteuse fait quand même les voyelles. Tout le monde fait les consonnes. Consonnes/voix, toujours instruments/consonnes, voyelles/voix, voyelles/instruments, consonnes/voix <br />Et à la fin consonnes/bruit</p><p>Une forme associée à la lettre, aux gestes de ponctuations littéraires<br />Non pas la question symbolique, mais le geste, la vitesse du crayon, l’épaisseur du trait. Vectorisation du son, parfois contradiction avec les lettres</p><p>Ce premier mouvement a duré beaucoup plus longtemps que prévu. Il y a différents niveaux d’évolution dans ce mouvement-là . Je dois répartir l’effort pour être toujours dans mon histoire.<br />Le mot se déplie, il se délie</p><p>Intermède III<br />Silence</p><p>Montréal, mai deux mille deux</p><p>IV : Des jours. Du jour<br />Cette insistance Longueur<br />Un temps au-delà d’une respiration normale<br />Dans la durée des jours Du jour<br />Peut-être trois jours<br />Évolution légère, en même temps un peu vite<br />Filtrage dans l’attente<br />Avant d’écrire, je reviens à l’autre<br />Des étapes changent tout le temps<br />Périodes Fulgurances<br />Plus longtemps qu’un geste humain<br />S’il y avait deux temps</p><p>A.P.O.C</p><p>Intermède IV<br />Heiligenstein, juillet deux mille deux</p><p>V : Perspectives de l’instant<br />Oui<br />Signal Flèche<br />Frôlement<br />Ouvrir Ouvert<br />Trace Dire<br />Libre</p><p>Relier<br />Les deux se rencontrent dans le silence<br />Émergent quand je suis en Norvège<br />Trouver</p><p>Bruit Avant<br />Moi Voie</p><p>Centre Chercher<br />Heurter les sons</p><p>Recadrer un peu<br />L’image s’élargit<br />Limite<br />A<br />Je ne savais pas jusqu’où j’irais<br />Je ne sais jamais jusqu’où j’irai<br />L<br />Je laisse flottantes ces périodes creuses, un peu incertaines<br />À l’encre sur du papier blanc<br />L’espace enveloppé<br />Y</p><p>Diffraction</p><p>Tout est déplié<br />Lettre après lettre<br />Je relis sans cesse<br />L’espace entre les mots<br />D’image floue en perspective de l’instant<br />Le point de fuite est devant<br />Au moment du basculement<br />Le vide parmi les verbes où se tord un glissé</p><p>Multiplication</p><p>Regarder ce S<br />Allons voir les S<br />C’est un S<br />On va dire c’est un S<br />Un endroit où j’ai gommé<br />C’est un A.A.A</p><p>Approximation</p><p>Je les voyais remplis de notes comme un filet<br />Au fil de la plume <br />Imaginer que c’est un G</p><p>Évolution</p><p>Densité du bruit<br />C’est une virgule<br />Très aigue<br />La clôture par le point<br />Ça s’écrit d’un trait</p><p>S’absenter Départ Arrêt<br />La voix n’est pas passée, elle n’a pas franchi<br />Il ne reste que des traces</p><p>La page d’après, tendue<br />P<br />Une sorte d’accident dans le son<br />Parce que pour la faire émerger et qu’elle puisse sortir, il fallait d’abord qu’elle participe à la même texture : qu’elle soit indifférenciable</p><p>Voir</p><p>Un bruit proche de celui d’une vague<br />La voix est comme posée sur le reste dans le réservoir musical que je suis<br />Accord abandonné La vague se retire<br />S</p><p>Même la forme des lettres s’ordonne verticalement<br />Cette intrusion d’un autre monde, fracturé, me semble étrange<br />Ce monde ancien, sculpté, bouleversé<br />Tout à fait arbitraire évidemment<br />Agencer les lignes<br />On a besoin de temps pour entendre le lien<br />Continuer Crier ce mot Réaliser le sens</p><p>D’image floue en perspective de l’instant<br />Le point de fuite est devant<br />Au moment du basculement<br />Le vide parmi les verbes où se tord un glissé<br />Le mot est retourné<br />I<br />S<br />Intermède V</p><p>Bois-Aubry, août deux mille deux</p><p>VI : Mémoire retournée</p><p>Des trajectoires habitées par un mouvement<br />Écriture Subliminal<br />Qu’on ne voit pas, mais qui est néanmoins là <br />N’entend pas Virtuel<br />Une expérience, une tentative de dire<br />Silence Incrusté<br />Des choses arrivées, qui n’étaient pas prévues<br />Mémoire Texte<br />J’ai choisi, j’aurais pu faire autrement<br />Solution Limite<br />Je réécoute souvent, je relis tout<br />Dimension Continu<br />Laisser toujours possible de déborder</p><p>Ici, je devrais avoir un Do#. Pourquoi ? je ne sais plus. Là , j’entends un Si, je sais que c’est une Do#, mais j’entends un Si, j’ai envie d’un Si. Je préfère être harmoniquement en phase. Je pense vraiment le Si comme appogiature. Cela ne va pas être un vrai Si.</p><p>Réécrire le texte Ré Retrouver l’idée<br />Ces papiers me disent les matériaux en mémoire proche<br />Avant de commencer, ces sons me posent une question<br />Questions de silence et de souffle, de rareté de la respiration<br />Au début, il n’y a rien, puis des chemins de traverse<br />Là , le son se retourne<br />Réécouter<br />Le silence dont je parle, c’est celui qui suit la phrase, sublime, comme une suspension insoupçonnée, révélée<br />Retrouver le geste<br />L’attaque continue de se déplacer<br />Re<br />Ça dure dans le temps</p><p>Je vais ouvrir Trajectoires<br />J’écoute et j’écris Je chante</p><p>Intermède VI</p><p>Pour entendre<br />Londres, décembre Deux mille deux</p><p>VII : Garder la question</p><p>La voix se replie sur elle-même, elle dessine son chant<br />Elle le capte pour l’amener vers l’écriture<br />Elle part des lettres, elle ne dessine pas la trajectoire du mot lumière, elle empoigne le mot Lumière<br />Pas avec sa main<br />Seulement sa voix</p><p>Prescience<br />Intérieur du temps de la pièce<br />Les yeux fermés<br />Une telle connaissance de l’œuvre dessine un corps : l’instant musical</p><p> </p>