Il y a

Composé par Jacques Lenot , concert du 29 septembre 2009

informations

Type
Concerts
Lieu de représentation
Eglise Saint-Eustache (Paris)
durée
01 h 04 min
date
29 septembre 2009

« Ni néant, ni être »
Jacques Lenot
L’évocation de ce projet remonte au 12 janvier 2006. L’idée précise et persistante d’un poudroiement sonore s’est forgée progressivement après l’étrange sensation vécue lors de la découverte du cimetière (Jüdischer Friedhof) berlinois de Prenzlauerberg enchâssé entre la Schönhauser Allee et la Kollwitz-Platz, en aout 2005.

Pour construire ce poudroiement qui, dans mon esprit, est quelque chose qui doit tomber – et de très haut – il a fallu étayer mon pressentiment par un environnement littéraire et poétique puis technique : le « final » de la dernière Élégie de Duino de Rainer Maria Rilke, l’invocation des Lamentations de Jérémie, la vision du « char de Yavhé » d’Ezechiel et enfin l’extrait d’un dialogue entre Emmanuel Levinas et Philippe Nemo :
« Il est question de ce que j’appelle l’ « il y a ». Je ne savais pas qu’Apollinaire avait écrit une œuvre intitulée Il y a. Mais l’expression, chez lui, signifie la joie de ce qui existe, l’abondance, un peu comme le « es gibt » heideggerien. Au contraire « il y a » pour moi est le phénomène de l’être impersonnel : « il ». Ma réflexion sur ce sujet part de souvenirs d’enfance. On dort seul, les grandes personnes continuent la vie ; l’enfant ressent le silence de sa chambre à coucher comme « bruissant. »

Quelque chose qui ressemble à ce que l’on entend quand on approche un coquillage de l’oreille, comme si le vide était plein, come si le silence était un bruit. Quelque chose que l’on peut ressentir aussi quand on pense que même s’il n’y avait rien, le fait qu’« il y a » n’est pas niable. Non qu’il y ait ceci ou cela ; mais la scène même de l’être est ouverte : il y a. Dans le vide absolu, qu’on peut imaginer, d’avant la création – il y a […] j’insiste en effet sur son impersonnalité comme « il pleut » ou « il fait nuit ». Et il n’y a ni joie ni abondance : c’est un bruit revenant après toute négation de ce bruit. Ni néant, ni être. J’emploie parfois l’expression : le tiers exclu. On ne peut dire non plus que c’est le néant, bien qu’il n’y ait rien. De l’existence à l’existant essaie de décrire cette chose horrible, et d’ailleurs la décrit comme horreur et affolement. […] Peut-être la mort est-elle une négation absolue où « la musique est finie » (on n’en sait rien d’ailleurs). Mais dans l’affolante « expérience » de l’ « il y a », on a l’impression d’une impossibilité totale d’en sortir et d’ « arrêter la musique ».

Commande: Ircam-Centre Pompidou et Festival d’Automne à Paris

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