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Composé par Philippe Manoury , concert du 11 juillet 2004
Lorsqu’on lit les titres des tableaux de Francis Bacon, on s’aperçoit qu’il ne s’agit, dans presque tous les cas, que d’études en vue d’un sujet (portrait, autoportrait, corrida, pape…). La réalisation finale n’a pratiquement jamais lieu, ou plutôt chaque étude est une réalisation d’un sujet dont la finalité ne semble pouvoir exister que dans l’imaginaire du peintre. Cette conception de la représentation, sans cesse remise sur le chantier comme le dit le proverbe, laisse penser qu’il existe des fascinations qui sont, dans l’absolu, irreprésentables dans leur finitude. Les images qu’on en donne ne sont que des fragments, des approches, des études, mais dont la recherche d’un aboutissement possible ne semble jamais s’épuiser. Ainsi en est-il peut-être aussi des Montagne Sainte-Victoire de Cézanne et des Vues du Mont Fuji de Hokusai.
C’est cette forme d’expression que j’ai tentée en musique. Il s’agit d’un ensemble de sept mouvements séparés qui pourraient, dans l’absolu, n’en constituer qu’un seul car, si j’ai pris soin de varier tant le caractère que les proportions d’un mouvement à l’autre, ces sept pièces sont irriguées par des formes différées et récurrentes qui voyagent sans cesse à travers tout l’ensemble des pièces. Il y a des mouvements distincts, mais ces mouvements contiennent eux-mêmes des cycles qui les parcourent en se chevauchant. Parfois, un mouvement ne sera que la continuation d’un processus déjà initié dans les pièces précédentes. Parfois aussi, un mouvement ne trouvera sa conclusion que dans les pièces suivantes. La totalité devrait tendre vers l’émergence d’un “portrait”, d’une image musicale qui, je l’espère, devrait apparaître en filigrane sur l’ensemble de ces pièces.
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Les Fragments pour un portrait ont été composés en vue d’une projection sonore spatiale. L’ensemble, comprenant 30 musiciens, est divisé en trois groupes disposés sur trois podiums séparés. Les groupes I et III (placés à gauche et à droite) se répondent avec un duo de bois (flûte et hautbois), un duo de cordes et un groupe de cuivres. Le groupe II (situé au centre) rejoint les cordes (disposées ici en quatuor) des autres groupes ainsi que leurs duos de bois (ici clarinettes et bassons). Chaque groupe comporte également un stand de percussions ainsi qu’un instrument à résonance (harpe, piano et célesta). Certaines structures ont été directement conçues en fonction de la place géographique des musiciens en utilisant des relais et des duplications de timbres. Il est toutefois possible d’exécuter cette œuvre sur une scène normale pourvu que soit respectée une possible répartition des groupes de gauche à droite.
Cette œuvre a été écrite, en quelque sorte, “sur mesure” pour l’Ensemble Intercontemporain dont une des particularités est la polyvalence des musiciens. J’ai ainsi utilisé un grand nombre d’instruments peu fréquents dans les orchestres comme la flûte basse, le bugle, la trompette piccolo et la clarinette contrebasse afin de créer des sonorités qui modifient substantiellement celles d’un orchestre traditionnel. Certains instrumentistes jouent également de petits instruments à percussions (petites enclumes en métal).
Les Fragments pour un portrait ont été composés entre septembre 1997 et mars 1998 et sont dédiés à David Robertson, alors directeur musical de l’Ensemble Intercontemporain. - Philippe Manoury
Commande de l’Ensemble Intercontemporain. Création le 7 mai 1998 à la Cité de la musique à Paris, par l’Ensemble Intercontemporain, sous la direction de David Robertson, dédicataire de l’œuvre.
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10 janvier 2022 00:32:46
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