Composé en 1966-1967 et révisé l'année suivante, le Trio fluido d'Helmut Lachenmann, qui mobilise un représentant des trois grandes familles instrumentales (vents, cordes, percussion), tend à représenter le monde instrumental dans son entier. L'œuvre enchaîne deux parties présentant deux états opposés, articulés par un glissement progressif de l'écriture.
La première partie use d'une écriture relativement traditionnelle, dont témoigne le début de l'œuvre : les hauteurs sont encore clairement déterminées et les trois instruments demeurent nettement identifiables et distincts. Notons que la partie de percussion est ici principalement tenue par le marimba et que l'écriture instrumentale est largement marquée par l'opposition de grands traits véloces et de figures ponctuelles (accents, tenues, groupes ramassés de petites notes).
La seconde partie de la pièce use d'une écriture radicalement différente : l'exactitude des hauteurs est désormais brouillée par le recours extensif à des modes de jeu inusités, les trois instruments tendant à se dépouiller de leur identité caractéristique pour se fondre dans un bruissement général d'un grand raffinement. La percussion recourt dans cette seconde partie à un éventail instrumental plus large (timbales, cloches à vache notamment), le marimba exploitant quant à lui divers modes de jeu (avec les doigts, avec les queues des baguettes notamment).
La fin de l'œuvre présente un émiettement inexorable de la matière sonore, jusqu'à une brève cadence d'alto, sur laquelle l'œuvre se termine. Fluide, ce trio l'est ainsi tout particulièrement dans le passage continu du son au bruit et du plein au vide, et dans la fusion progressive des sonorités des trois instruments mis en jeu.
Alain Galliari.