Denis Cohen (1952)

Transmutations (1980)

Concerto de chambre pour seize instruments in memoriam Jean Barraqué

  • Informations générales
    • Date de composition : 1980
    • Durée : 20 mn
    • Éditeur : Nodus, Paris
    • Commande : Ensemble intercontemporain
Effectif détaillé
  • 1 flûte (aussi 1 flûte alto, 1 flûte piccolo), 1 hautbois (aussi 1 cor anglais), 1 clarinette (aussi 1 clarinette en mib), 1 clarinette basse, 1 basson (aussi 1 contrebasson), 1 cor, 2 trompettes, 1 trombone, 2 percussionnistes, 1 piano (aussi 1 orgue électrique), 1 violon, 1 violoncelle, 1 contrebasse [amplifiée]

Information sur la création

  • Date : 2 mars 1981
    Lieu :

    Paris, Théâtre de la Ville


    Interprètes :

    l'Ensemble intercontemporain, direction : Denis Cohen.

Note de programme

Les Transmutations sont l'histoire de trois idées à caractéristiques mutatives disposées en étroites intrications au long de l’œuvre :

  1. Un matériau harmonique déduit de la première section (environ 36"), s'enrichissant ou se raréfiant au moyen d'ajouts ou de retraits d'unités harmoniques opérés sur un agrégat « matrice » (8 agrégats en tout).
  2. Une structure temporelle construite également à partir de la première section, les autres se trouvant dans un rapport de continuité avec la pré-précédente sous forme d'un de série de Fibonacci permutée (34.21.55.34.89.55…).
  3. Un type d'écriture articulé autour de certaines constantes (combinaisons d'instruments ou de phrases à caractère thématiques) autorisant l'écoute à relativiser les évènements par rapport à cette « fixité » apparente.


Enfin le timbre d'un des instruments (la contrebasse) est modifié par un matériel électronique « live » ; il s'agit d'un balayage en boucle des harmoniques d'un son, l'ambitus de cette rotation variant au cours de la pièce.

L'aspect formel engendré par cette structure temporelle pourrait être ressentie comme une contrainte s'il n'était dévié par ses règles internes ; il est question ici de l'utiliser comme une plage de travail que j’appelle « ambitus de temps », au sens ou la déduction musicale compte toujours parmi ses opérateurs de mise en forme un décompte numérique (c'est en quelque sorte un matériel de durées non sérialisé).

Mes travaux précédents m'ont conduit à considérer dans cette œuvre deux sortes de perceptions (au sens allusif, donc purement indicateur, et non subsumé par une pseudo esthétique inexistante aujourd'hui). L'une, la perception directionnelle ou la prévisibilité demeure possible. L'autre, perception statistique où chaque évènement ne peut être connecté à une organisation anticipable, mais sera plutôt perçu par quantité ; l'écriture s'attache à la présentation d'objets qui ne peuvent être ressentis comme participant d'un développement.

De même que certains objets de ces plages « fixes » peuvent être perçus comme appartenant à une directionnalité à plus long terme, de même certaines cellules propres au développement servent de rupture momentanée, de transition, dans (ou entre) un (des) espaces(s) statistiques(s) ; ce type de travail permet d'emboîter les plages les unes sur (ou dans) les autres, d'organiser une surimpression d'évènements susceptibles d'appartenir à différents « courants ».

C'est moins l'addition que l'interaction de ces données qui constituent l'objectif musical de ces « transmutations ».

À la première des exécutions et enregistrements de Transmutations, il me semble que l'on peut, au cours d'une première approche, nettement percevoir cet étirement de discours, du temps, provenant de l'épuisement de solutions rythmiques, harmoniques et contrapuntiques et des combinaisons de timbres à l'intérieur de sections relativement de plus en plus longues vers le dernier tiers de la pièce. Il s'agit en quelque sorte d'une « Moment-Form », équilibrée et mise en péril par une continuité sous-jacente, comme lançant un défi à ces deux écoutes : l'instant, la jouissance du moment présent d'une part, son passé (sa reconstitution) et son futur (sa projection désirante) d'autre part.

Denis Cohen