Bernard Parmegiani (1927-2013)

Enfer (1971 -1972)

musique de concert pour électronique

œuvre électronique

  • Informations générales
    • Date de composition : 1971 - 1972
    • Durée : 1 h 6 mn
    • Commande : commande d'Etat

Information sur la création

  • Date : 5 février 1973
    Lieu :

    France, Paris, théâtre Récamier.


Information sur l'électronique
Dispositif électronique : sons fixés sur support

Observations

  • Il existe également une version sans texte (47'05) et une version révisée en 1994 (61'20).
  • Cantique électronique destiné au départ à une chorégraphie de Vittorio Biagi, Ballet de Lyon. Cette version chorégraphiée ne sera donnée qu'en mars 1976. D'après la Divine Comédie de Dante, avec la voix de Michel Hermon. Le projet d'une Divine Comédie électroacoustique a été élaboré en collaboration avec François Bayle, ce dernier se chargeant du Purgatoire. Le Paradis étant co-signé par les deux compositeurs.

Titres des parties

Découverte de l'ombre ; Les portes ou contrainte (La bête, Le chemin difficile, Les portes de l’Enfer, L’Étendard humain, Pas­sage de l’Achéron) ; L’impouvoir ou 2e contrainte (Béatrice, Désir sans espé­rance, Les Châteaux, L’Ouragan infer­nal) ; Mal mort ou 3e contrainte (Mal-mort, Le Messager céleste) ; Les Monstres ou 4e contrainte (Femmes de griffe, Hommes de ronces, Métamorphoses, Cerbères) ; Les Abysses ou 5e contrainte (Les Abysses, Le Styx, Le Rêve du rêve) ; Fond de bleu ou 6e contrainte (Le phénix, Fond de bleu) ; Le Nœud ardent ou 7e contrainte (Bataille des dragons, Le nœud ardent) ; Le Crépuscule de l’aube.

Note de programme

« Passer l’Achéron, c’est ressentir au fond de soi la progression d’une angoisse “qui se rapproche et s’éloigne chaque fois plus grosse, chaque fois plus lourde et plus gorgée” (Artaud) par le lent mouvement de recul de l’existence. Être en enfer, c’est être contraint de vivre la tête en bas — selon une vision naïve des antipodes — et penser que l’Enfer égale l’Envers. Le monde s’y trouve inversé, on s’y enfonce tel une toupie dont la pointe est attirée vers un centre pro­fondément enfoui, là où vit “un ver infâme qui perfore le monde”.

« Dans notre chair il existe de ces points, pareils à des cratères brûlants où viennent éclater de “cuisantes pensées”, de ces cauchemars que les fissures de l’incons­cient laissent échapper. C’est à ce niveau d’émergence de la boucle infinie de nos maux, de nos plaies inguérissables, que j’ai choisi de situer l’Enfer. Itinéraire inéluctable où nous sommes acculés dans des voies à sens unique par des forces contradic­toires : le châtiment étant la conséquence logique de nos erreurs, notre corps devient alors la plus étroite des prisons. C’est par une récession finale, presque matricielle, que s’achève le voyage, dans le geste ins­tinctif du plongeur qui touchant le fond, le frappe pour faire surface. L’Enfer est aussi un monde sonore que le verbe demeure impuissant à exprimer complètement. Le son perce la peau comme un trait et nous aspire par cet orifice vers un dedans où l’on retrouve le vide laiteux qui appartient au rêve.

« Comme il aurait été dérisoire de vou­loir contracter l’œuvre, j’ai dû abandonner l’énoncé numérique des cercles, et j’ai choi­si sept moments intitulés contraintes afin d’en souligner ainsi le caractère de fatalité.

« Enfin, craignant le pléonasme, j’ai extrait de Dante des bribes de texte que j’ai placées en rupture avec la musique afin qu’elles l’éclaboussent de leur éclat soli­taire. J’ai pris le parti de ne pas traiter musicalement la voix du comédien Michel Hermon, la laissant à vif, dénudée d’un dramatisme que revêtent en échange, cer­taines séquences sonores. »

Bernard Parmegiani.