Einar Torfi Einarsson (1980)

Desiring-Machines (2011 -2012)

pour ensemble

  • Informations générales
    • Date de composition : 2011 - 2012
    • Durée : entre 17 mn et 27 mn
    • Éditeur : Deuss Music (Albersen Verhuur), La Haye, Pays-Bas
    • Commande : Ensemble intercontemporain, Tremplin 2011
Effectif détaillé
  • 2 flûtes, 2 hautbois, 3 clarinettes, basson, 2 cors, trompette, 2 trombones, 3 percussionnistes, harpe, piano, 2 violons, 2 altos, 2 violoncelles

Information sur la création

  • Date : 4 octobre 2012
    Lieu :

    France, Paris, Centre Georges Pompidou


    Interprètes :

    l'Ensemble intercontemporain, direction : Susanna Mälkki.

Note de programme

Desiring-Machines se veut un reflet musical du concept de « machines désirantes » développé par Gilles Deleuze et Félix Guattari dans L’anti-OEdipe. C’est ainsi que l’écriture a obéi à trois grands principes, qui sont aussi trois domaines d’exploration sonore.

1. Tout d’abord, la structure (ou comportement) d’un désir sans nécessité (ou désir dénué de but) est considérée comme force productrice, grâce à laquelle les processus se développent par flots et interruptions successifs. Ainsi, l’écoute linéaire, à laquelle on est habitué, cesse d’être pertinente : une forme d’écoute ouverte à la non-téléologie est nécessaire.

2. Toutes les parties ne forment pas un tout, tout en communiquant sans cesse entre elles, de différentes manières ; de là s’élabore une certaine structure contingente qui rend chaque exécution de l’œuvre singulière ou unique. Les différentes parties interagissent (et se transforment) sans cesse au sein d’un champ illimité de connexions possibles et ce toujours de manière différente d’une exécution à l’autre, ne formant conséquemment jamais un tout fixe (que l’on nommerait habituellement l’« œuvre »), ou du moins ne parvenant pas à former ce type de tout.

3. Priorité est donnée à la « physicalité » de la performance, dès lors que les éléments sont reliés entre eux par des ruptures ou des interruptions et par des intensités, à la fois entre le musicien et son instrument, et le chef et ses musiciens. La manière d’exécuter un geste prend le pas sur les sons et situations effectivement produits. La réalité de la performance est mise en avant, et traitée comme matériau de composition. De ce point de vue, la partition fait naître une relation inédite entre le chef et ses musiciens. Cette relation atypique vient notamment du fait que le chef lui-même a une partie à exécuter, qui affecte à son tour chaque musicien d’une manière unique.

En outre, chaque musicien (le chef compris) doit répéter une partie du matériau, mais chaque répétition est de longueur variable ; à la fois différente de celles des autres musiciens et de ses propres précédentes occurrences. Ainsi, les rencontres entre les différentes parties sont constamment renouvelées, offrant une certaine contingence à ce qui se peut écouter dans l’instant. Le chef suit un même paradigme : lui/elle seul(e) peut altérer le matériau au sein de ses répétitions multiples, lui/elle seul(e) peut le plier à de constantes variations de tempo ; il/elle met ainsi chaque musicien face à un travail herculéen : ajuster son propre matériau aux caprices de son chef (et à ses tempos sporadiques).

C’est de cet effort constant d’ajustement et d’adaptation que se forment des paysages/relations en continuel devenir – en même temps qu’une critique de l’identité et du statisme discrets. Plus encore, cette pièce peut se penser tout simplement comme « relation en tant que telle », ou une « juste-miliosité ».

Einar Torfi Einarsson.