Lorenzo Pagliei (1972)
L'Aleph (1996 -1997)
pour sons de gong (de 207 cm de diamètre) élaborés électroniquement
œuvre électronique
- Informations générales
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Date de composition :
1996 - 1997
- Durée : 11 mn 30 s
- Éditeur : Suvini Zerboni
- Dédicace : à Giorgio Nottoli
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Date de composition :
1996 - 1997
- Genre
- Musique électronique / sur support / instruments mécaniques [Musique électronique / sur support / instruments mécaniques]
Information sur la création
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Date :
11 janvier 1997
Lieu :Malte, Université la Vallette, MIPCM '97, Malta International Project of Computer music.
Information sur l'électronique
Dispositif électronique : sons fixés sur support
Observations
Vidéo sur YouTube (lien vérifié en février 2013).
Note de programme
Idée
L’Aleph a été réalisé en 1996-1997 en utilisant les sons enregistrés avec un gong géant (207 cm de diamètre). Le sujet principal de la pièce est l’exploration de l’opposition entre le continuum et le discontinuum. Ces deux catégories, pas toujours nettement séparables, représentent deux modèles d’organisation ou de vision et perception du monde.
Le premier état de la composition est l’application de ces deux catégories au temps pour en tirer différents types de flux temporels. Dans l’Aleph, on est face à des périodes temporelles presque immobiles ou en transformation très lente et, au contraire, d’autres où la discontinuité temporelle est tellement grande qu’on peut perdre les détails des éléments distincts. À partir de l’opposition continuum/discontinuum ont été pensés l’approche aux sons, la forme, l’organisation, les durées, les segmentations, le contrepoint, les couches musicales et la programmation à l’ordinateur. Le défi formel est de réussir à réaliser un contenu continu dans une forme très discontinue.
Pendant la pièce se développe aussi une histoire parallèle dans laquelle des sons vocaux, chuchotés et chantés, sortent graduellement du timbre du gong, jusqu'à devenir des véritables chœurs.
Source
L’intérêt de la pièce vient aussi d'avoir utilisé une source sonore exceptionnelle et riche de possibilités, qui n’est pas exploitable avec une utilisation instrumentale directe : il faudrait plusieurs interprètes pour la réaliser et il ne serait pas toujours possible de produire la quantité de sons qu’on voulait réaliser avec la précision voulue. Ainsi, seulement grâce aux techniques électroniques, cet incroyable instrument a pu dévoiler de manière polyphonique, orchestrale et massive toutes ses ressources.
Techniques
Pour exploiter les ressources du gong, il a fallu concevoir des instruments virtuels sur l’ordinateur, qui permettaient de regrouper les sons en différentes familles de timbres puis les rendre utilisables. On peut accéder aux différents types de sons, les multiplier avec les durées qu’on souhaite et les transformer pour couvrir tous les registres de fréquences.
A l’intérieur d’une famille, les sons sont organisés en masses de particules sonores de 1 à 10000 sons par seconde. La distribution des particules, la densité, leur superposition, les durées globales et individuelles, la transposition, la différence dans l’intonation individuelle, la séparation des particules et des différentes masses sont entièrement contrôlables. Par conséquent, le compositeur peut traiter des masses plus ou moins grandes comme des familles orchestrales et réaliser une polyphonie de couches musicales en opérant à un niveau assez haut, tout en gardant la possibilité de gérer les sons individuellement.
Les sons vocaux sont réalisés en modifiant les sons du gong avec 5 filtres qui simulent les différentes résonances du trait vocal pour chaque voyelle. Le gong semble ainsi chuchoter ou chanter en solo ou en chœur selon le type de timbre ou de masse qu’on filtre.
La spatialisation du son est aussi importante : sons particuliers, masses, impulsions ou sons continus sont placés dans l’espace d’écoute de façon dynamique ou statique : chaque son a sa propre vie dans l’espace, ce qui n’est pas possible, encore une fois, avec une utilisation instrumentale directe.
Références
Dans le conte l’Aleph de J. L. Borges, l’écrivain, protagoniste de l’histoire, apprend que cette parole indique un des points de l’espace où se trouvent, sans se confondre, tous les points de la terre vus de tous les angles. À la fin de la nouvelle, il arrive à voir ce point en éprouvant une « infinie vénération, infinie peine… » :
« …en cet instant géant, j’ai vu des millions d’actions agréables et atroces ; aucune d'elles ne m’a frappée plus que le fait que toutes occupaient le même point, sans se superposer et sans transparence. »
Le grand gong est similaire à un Aleph, il est un Aleph sonore : un puits de sons merveilleusement infini, des plus délicats aux plus dévastateurs. Explorer à fond toutes ses potentialités est pratiquement impossible, d'autant qu’il est impossible d'enfermer l’infini dans une forme.
Lorenzo Pagliei.
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