Pierre Jodlowski (1971)

La grève (2000)

musique électroacoustique pour le film La Grève de S.M. Eisenstein

œuvre électronique

  • Informations générales
    • Date de composition : 2000
    • Durée : 1 h 25 mn
    • Éditeur : édition du compositeur
    • Commande : Cinémathèque de Toulouse

Information sur la création

  • Date : 8 avril 2000
    Lieu :

    France, Toulouse, Blagnac, saison du Centre culturel Odyssud.


Information sur l'électronique
Dispositif électronique : sons fixés sur support

Note de programme

Synopsis du film

La grève [Statchka] / FILM de Serguei Mikhaïlovitch Eisenstein, 1924. URSS. 73 min. Noir & blanc. Muet. Scénario : S. M. Eisenstein, Valeri Pletnev & Gregory Alexandrov. Photographie : Edouard Tissé & Vassili Hvatov. Production : Goskino. Interprétation : Ivan Kljuvkin, Alexandre Antonove, Grigori Alexandrov.

Une usine en Russie au début du siècle. Tout est calme, le patron est souriant. Un groupe de militants prépare une grève. Un contremaître les dénonce et le gouverneur militaire utilise des indicateurs pour les espionner. La grève est cependant déclenchée après le suicide d’un ouvrier accusé injustement de vol. Le patronat organise la riposte, la grève se prolonge. La police fait appel à la pègre pour monter une provocation. L’assaut final est donné : c’est une véritable « boucherie ». Ce film, le premier d’Eisenstein, porte et développe déjà les théories du cinéaste sur le montage. La Grève est une révolution cinématographique enlevée par la fougue, l’audace et la liberté du jeune réalisateur.

Présentation

Ce premier film d’Eisenstein pose d’une certaine façon les bases du langage du cinéaste russe en rejetant d’emblée la notion d’un cinéma d’acteurs, pour se préoccuper plus fondamentalement d’un art de l’image, au travers du montage et de la construction formelle. La portée politique du film, si elle reste indéniable (on parlera du cinéma soviétique de cette époque en termes de propagande), s’estompe au profit d’un travail où les enjeux purement artistiques prédominent. C’est tout au moins la perception que j’ai pu avoir de cette œuvre, dès le premier visionnement, où les questions de rythme, d’articulation et de gestes m’ont semblé à l’origine même de l’organisation temporelle et visuelle. La Grève reste pour moi un tableau ; tableau en mouvements, où le noir et le blanc deviennent couleurs, où la force d’une séquence est indissociable du tout, dans sa pertinence structurelle. La Grève, film muet, se détache ainsi de la parole, véhicule les symboles d’un monde bouleversé, transmet, jusqu’à aujourd’hui, et c’est là sa force, les questionnements de l’homme, le sens même de l’existence.

Pourtant, c’est par la dynamique de l’image, les contrastes prononcés du rythme des séquences, la mise en scène excessive (devenant allégorie) qu’une dimension philosophique peut naître et non pas par une simple mise en image d’acteurs ou d’histoires charismatiques (comme le cinéma peut le faire bien souvent aujourd’hui). On voit bien alors comment l’idée musicale peut naître dans l’esprit du compositeur : la musique est art du temps et de l’espace, du rythme et de la forme. Mettre ce film en musique ne consiste pas simplement à combler un silence (d’ailleurs Eisenstein le fait très bien tout seul !) mais plutôt à tisser des trajectoires, à renouveler l’espace de la projection dans une dimension sonore. Là est le projet de cette création : apporter un nouvel « éclairage » de l’œuvre cinématographique à travers une musique dont l’intensité rivalise avec celle du film, induire un rapport de forces, concentriques ou divergentes, retrouver l’énergie de l’image pour mieux la déconstruire et en donner une « interprétation » sensible.

Pierre Jodlowski.