Jonathan Harvey (1939-2012)

Madonna of Winter and Spring (1986)

pour orchestre, synthétiseurs et électronique

œuvre électronique

  • Informations générales
    • Date de composition : 1986
    • Durée : 37 mn
    • Éditeur : Faber Music, Londres
    • Commande : BBC pour les « 1986 Henry Wood Promenade Concerts in the Albert Hall », avec l'aide de Syco et Yamaha-Kemble.
Effectif détaillé
  • 3 flûtes (aussi 1 flûte piccolo), flûte piccolo (aussi flûte alto), 3 hautbois (aussi 1 cor anglais), 3 clarinettes (aussi 1 clarinette basse), 3 bassons (aussi 1 contrebasson), 4 cors, 4 trompettes (aussi 1 trompette piccolo), 3 trombones, tuba, 5 percussionnistes (aussi 1 vibraphone), harpe, piano, 3 claviers électroniques/MIDI/synthétiseurs, 16 violons, 16 violons II, 12 altos, 12 violoncelles, 8 contrebasses

Information sur la création

  • Date : 27 août 1986
    Lieu :

    Londres, Royal Albert Hall, BBC Proms


    Interprètes :

    le BBC Symphony Orchestra, direction : Peter Eötvös.

Information sur l'électronique
Dispositif électronique : amplification, modulation en anneaux (amplification pour cor anglais, clarinette, cor, trompette et 3 modulateurs en anneau pour piano, harpe et vibraphone)

Note de programme

Madonna of Winter and Spring a été composée en l’honneur de Marie, mère de Jésus. La pièce dépeint l’influence de sa personnalité douce et généreuse sur des forces autoritaires, brutales ou désespérées. Si le dernier quart d’heure environ lui est consacré exclusivement, son aura est palpable par moments d’un bout à l’autre de l’œuvre. Laquelle se décompose en quatre sections principales : « Conflit », « Descente », « Profondeurs », « Marie ».
« Conflit » s’ouvre sur sept commotions entrecoupées par ce qui ressemble à une monstrueuse respiration. Ces sept accords fournissent presque exclusivement l’entièreté de l’harmonie de l’œuvre – le matériau sera extrait de ces hauteurs, toujours à l’octave où elles apparaissaient la première fois. Toutefois, la partie « Profondeurs » les transpose une neuvième mineure plus bas, et « Marie » une neuvième mineure plus haut. « Conflit » introduit vingt « mélodies » qui dominent l’essentiel de la pièce. Plutôt que des mélodies à proprement parler, certaines s’apparentent davantage à des gestes ou à des figures, servant de base à des ostinatos : elles constituent une chaîne dans laquelle chaque mélodie « primaire » est séparée de la suivante par une autre, plus animée, qui est le résultat de l’addition de deux mélodies primaires voisines – A, AB, B, BC, C, CD, et ainsi de suite, la dernière ramenant à la première. Ainsi se constitue une chaîne circulaire, sur laquelle le discours mélodique peut moduler ou sauter d’un point à un autre. Bien souvent, les mélodies sont combinées, soit dans un contrepoint développant (comme dans la première partie, « Conflit »), soit dans une polyphonie texturale, au sein de laquelle de nombreuses mélodies tissent une toile multicolore, portée principalement par les violons solos. La partie « Conflit » est principalement préoccupée d’enjeux thématiques ; c’est à-dire qu’elle présente des figures relativement identifiables qui s’affrontent comme pour mieux argumenter et articuler le développement du discours. « Conflit » s’achève sur un climax tournoyant et tambourinant qui débouche sur la seconde partie, « Descente ».
Celle-ci consiste en un élément singulier (une triade augmentée), extrait d’une des sept harmonies principales de « Conflit », qui descend lentement de l’aigu vers le grave. Elle s’enfonce ainsi vers des profondeurs sonores plus obscures encore, essentiellement produites par les synthétiseurs, avec une participation minimale de l’orchestre. « Descente » joue un rôle de transition vers la section suivante, « Profondeurs ».
La quasi-totalité des sons de « Profondeurs » occupe le bas du registre, et ses notes les plus aiguës semblent comme pétrifiées sur une pédale de mi et de fa, juste au-dessus du do medium (le do medium représente l’axe sur lequel l’harmonie toute entière se reflétait dans « Conflit »). On pourrait décrire ce passage comme une musique en hibernation, qui se remémorerait des mélodies passées sans qu’aucun de ses membres ne bouge.
La dernière section, « Marie », est aussi aiguë que la précédente était grave (comme son reflet dans un miroir). Une nouvelle mélodie naît, pour la première fois depuis les cinq premières minutes de la pièce. C’est une figure fluide, gentiment pressante, qui paraît parée de couleurs multiples, et qui prend peu à peu le dessus sur les mélodies précédentes, lesquelles semblent pourtant la soutenir.
S’ils dominent la fin de la pièce, les synthétiseurs sont actifs tout du long. Ce sont des Emulator II (un échantillonneur) et les DXI et TX816, construits par Yamaha (synthèse FM). Ces nouveaux instruments ouvrent un vaste champ des possibles pour le compositeur ; naturellement, mon travail n’aurait pas été possible si je n’avais pu les avoir à disposition chez moi, grâce aux prêts généreux de Syco et Yamaha-Kemble. Grâce aux Ateliers Radiophoniques de la BBC, j’ai pu faire des recherches sur différents types sophistiqués de réverbération : j’y ai souvent recours dans la pièce pour « geler » un fragment sonore — comme une tenue suspendue dans l’air, tandis que l’orchestre poursuit son discours. En outre, certains instruments font l’objet de modulationen anneau, d’autres sont amplifiées ; tous sont projetés via deux circuits de haut-parleurs Quad, l’un aigu, l’autre grave, pour « peupler » l’espace. Ceux qui ont pu admirer les plafonds de Tiepolo, par exemple, avec leurs chérubins ailés jouant de la trompette, comprendront aisément cette image !


Jonathan Harvey.