Iannis Xenakis (1922-2001)

Pléïades (1978 -1979)

pour six percussionnistes


œuvre scénique

  • Informations générales
    • Date de composition : 1978 - 1979
    • Durée : 42 mn
    • Éditeur : Salabert, Paris
    • Commande : Ville de Strasbourg, opéra du Rhin
Effectif détaillé
  • 6 percussionnistes

Information sur la création

  • Date : 3 mai 1979
    Lieu :

    France, Mulhouse


    Interprètes :

    Les Percussions de Strasbourg, les Ballets du Rhin.

Titres des parties

  1. Mélanges
  2. Métaux
  3. Claviers
  4. Peaux

Note de programme

Pléiades : « pluralités », puisqu’il y a six percussionnistes et quatre mouvements. Le rythme y est primordial, c’est-à-dire l’ordonnancement temporel des événements, la combinatoire des durées, des intensités, des timbres. II est bâti sur plusieurs champs parallèles mais avec des circulations transverses, c’est-à-dire que des figures sont simultanément déformées ou pas. Certains des champs sont réalisés par des accents qui superposent des rythmes à ceux des coups normaux. Les timbres des peaux sont aussi fonctionnels, assujettis à des champs rythmiques spécifiques. L’unique source de cette polyrythmie est l’idée de périodicité, répétition, duplication, récurrence, copie fidèle, pseudo fidèle ou non fidèle. Exemple : un coup répété inlassablement, à la même cadence, représente la copie fidèle d’un atome rythmique (mais un mètre antique est déjà une molécule rythmique se répétant). Or de petites variations de la cadence produisent une vivacité interne du rythme sans infirmer la période fondamentale. De plus grandes et complexes variations de la période initiale créent une défiguration, une négation de la période fondamentale qui peut conduire à sa non-reconnaissance immédiate. De plus fortes variations, encore plus complexes, ou, ce qui revient souvent au même, dues au hasard d’une distribution stochastique particulière, conduisent à l’arythmie totale, à une connaissance massique de l’événement, à des notions de nuages, nébuleuses, galaxies de poussières de coups organisés par le rythme. De plus, les vitesses de ces transformations créent de nouvelles défigurations, superposées aux précédentes, depuis les petites accélérations continues jusqu’aux transformations rapides (toujours continues), voire exponentielles, balayant l’auditeur dans son tourbillon, l’entraînant comme vers une catastrophe inévitable ou vers un univers tordu. […]
Une axiomatisation, accompagnée d’une formalisation représentée par la théorie des cribles, cerne une partie de tels problèmes de transformations dans tous domaines, espaces ou ensembles ordonnés.
Dans Pléiades, cette idée fondamentale de la duplication (récurrence) temporelle d’un événement ou d’un état dans laquelle est immergé notre univers physique, mais aussi humain, est également reprise dans une autre « dimension » de la musique, celle des hauteurs. Dans cette dimension, la musique européenne (occidentale) n’a pas bougé depuis l’antiquité grecque. Le système, l’échelle diatonique y règne toujours, même et surtout dans les musiques (comme la musique sérielle) où le total chromatique est la base dans laquelle est plongé le choix des notes. D’ailleurs son extension à une échelle (gamme) où l’unité serait le comma ne changerait pas le « climat », le champ de force des lignes mélodiques ou des nuages des hauteurs.
C’est pourquoi ici j’ai fait une double tentative. La première, déjà dans Jonchaies pour orchestre, étant de bâtir une échelle franchement hors Occident, suffisamment forte et caractérisée, mais pouvant être jouée sur des instruments à claviers diatoniques tels le marimba, le xylophone ou vibraphone. La deuxième étant de faire construire un instrument métallique nouveau baptisé SIXXEN de dix-neuf hauteurs distribuées inégalement avec des pas de l’ordre du quart ou du tiers de ton et de leurs multiples. De plus, il fallait que les six exemplaires joués par les percussionnistes pris ensemble ne forment jamais d’unissons. Après beaucoup de tentatives, je construisis un crible (échelle) qui, surprise, se rapprochait des gammes de la Grèce antique, du Proche-Orient et de l’Indonésie. Mais cette échelle, contrairement aux traditionnelles, n’est pas octaviante, possède des symétries internes, et arrive à couvrir le total chromatique en trois copies (périodes) conjointes, ce qui lui permet de créer à elle seule, sans aucune transposition, des champs harmoniques supplémentaires lors des superpositions polyphoniques.

Iannis Xenakis, note de programme du concert ManiFeste du 25 juin 2022 au Centquatre-Paris.