Marco Stroppa (1959)

From Needle's Eye (1996 -2001)

pour trombone soliste, double quintette et percussion

  • Informations générales
    • Date de composition : 1996 - 2001
      Dates de révision : 2007
    • Durée : 23 mn
    • Éditeur : Ricordi, nº 137824
    • Commande : Ensemble intercontemporain
    • Dédicace : à Benny Sluchin
    • Livret (détail, auteur) :

      d'après W.B. Yeats, A Full Moon in March

Effectif détaillé
  • soliste : trombone
  • flûte alto (aussi flûte basse, flûte piccolo), hautbois (aussi cor anglais), clarinette en la (aussi clarinette contrebasse), basson, cor, trompette [en do] (aussi trompette), trombone, tuba, percussionniste, alto, contrebasse

Information sur la création

  • Date : 8 juin 1997
    Lieu :

    Paris, Cité de la Musique


    Interprètes :

    Benny Sluchin : trombone, Ensemble intercontemporain, direction : David Robertson ; création integrale le 22 octobre 1999, Paris, Cité de la Musique, Grande Salle par les mêmes.

  • Date : 27 avril 2008
    Lieu :

    Allemagne, Munich, Carl-Orff Saal de la Philharmonie am Gasteig


    Interprètes :

    Benny Sluchin : trombone, Ensemble intercontemporain, direction : Ludovic Morleau.

Titres des parties

  1. Polished
  2. Silently boundless
  3. Crackling (come un turbinio di irrefrenabili danze)

Note de programme

Cette œuvre est ma deuxième expérience dans le domaine du concerto. Elle suit à un an de distance un concerto pour piano et grand orchestre, et comme celui-là, elle est inspirée par un court poème de W.B. Yeats et fait partie d'un cycle de concertos que je vais écrire pour différents instruments et ensemble ou orchestre.

Depuis mon arrivée à Paris, il y a quinze ans, j'ai eu la chance de rencontrer Benny Sluchin et d'explorer avec lui l'univers sonore du trombone et de ses multiples sourdines, grâce aux travaux qu'il avait menés au sein de l'équipe d'acoustique instrumentale de l'Ircam. Dès lors, je voulais concrétiser ces recherches en une œuvre, mais je n'ai jamais réussi à produire une musique qui me satisfasse.

From Needle's Eye a été composé en 1996 comme une œuvre en cinq courts mouvements pour trombone et petit ensemble. Mais, encore une fois, je n'étais pas très satisfait du résultat musical : j'étais presque en train de tout abandonner, quand la solution m'est soudainement apparue : intégrer la dimension de l'espace à l'écriture instrumentale, comme je l'avais déjà fait dans d'autres compositions. J'ai donc entièrement réaménagé la pièce, frénétiquement, car il ne me restait pas beaucoup de temps, de façon à jouer avec le placement des instrumentistes sur scène ; au centre, devant, le trombone soliste ; à gauche et à droite deux quintettes « battenti » — à l'instar des double chœurs vénitiens — placés en profondeur ; au centre, derrière, un percussionniste. Chaque quintette comprend un instrument à corde, deux bois et deux cuivres, choisis de façon à leur donner un caractère différent : doux velouté (gauche) ou âpre et incisif (droite). Dans la phase de ré-écriture de l'œuvre, j'ai toujours pensé au placement de chaque son dans l'espace, pour créer par exemple des oppositions de volumes, de jeux canoniques spatiaux ou différents mouvements du même matériau.On percevra aisément que j'ai utilisé le trombone soliste comme un personnage musical avec maints visages : léger, gracieux, espiègle, malin, grave, dramatique, excentrique, passionné, sournois et ainsi de suite. La forme de l'œuvre, d'ailleurs, est bâtie autour d'un chemin à travers ces différents caractères en jouant sur différentes façons de les présenter et de les juxtaposer.

La version actuelle de From Needle's Eye correspond aux trois premiers mouvements de la pièce initiale, fusionnés en un seul trait : le premier mouvement était basé sur une alternance d'accords tenus oscillant entre les deux quintettes et la percussion frottée par un archet, ponctués par des courtes interventions du trombone. Le second était un scherzo sec et vif, se terminant avec des coups de langue « slaps » dans le trombone sans insuffler de l'air ; le troisième était un mouvement lent inspiré par la tradition des « dung », les grandes trompes tibétaines, employant plusieurs instruments graves, avec des notes pédales du trombone en glissando et respiration circulaire, comme si le son cherchait à descendre au plus profond de l'instrument, sans jamais s'arrêter.

Je ne sais pas encore si je vais aussi retravailler les deux mouvements finaux, plus brillants. Pour l'instant je n'ai pas trouvé une façon, et peut-être, une raison profonde, de les incorporer dans la nouvelle forme de la pièce. J'ai préféré ainsi terminer de manière quelque peu insolite, avec des registres gravissimes, dans une atmosphère de calme profond. Je souhaiterais enfin remercier de tout mon cœur Benny Sluchin, dont la bravoure, l'esprit de recherche et la patience m'ont beaucoup inspiré dans mon travail. Avec cette pièce, je suis heureux de pouvoir lui dire « merci » en musique.

Marco Stroppa, programme du concert de création, le 8 juin 1997, Cité de la Musique

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