Brice Pauset (1965)

La Nef des fous (1991 -2001)

pour violon seul

  • Informations générales
    • Date de composition : 1991 - 2001
    • Durée : 2 mn
    • Éditeur : Lemoine
    • Dédicace : à Nicolas Miribel (première version), à David Grimal (2e version)
  • Genre
    • Musique soliste (sauf voix) [Violon]
Effectif détaillé
  • 1 violon

Information sur la création

  • Date : 16 mai 1991
    Lieu :

    Maison Radio-france, studio 106 (Paris)


    Interprètes :

    Nicolas Miribel.|Création de la seconde version : Sept créations pour David Grimal, film de Hervé White (2001), David Grimal, violon

Observations

Date d'achèvement : 27 mars 1991, première version ; 5 juin 2001, seconde version.

Note de programme

La Nef des fous a été composée en deux jours (les 26 et 27 mars 1991) pour des raisons purement extra-compositionnelles. L'expérience a été, je dois dire, très intéressante et particulièrement éclairante sur certaines typologies fondamentales de mon écriture, qui ont été en quelque sorte excavées et mesurées dans et par ces conditions peu ordinaires de travail.

Le matériau fondamental est très simple et immédiatement évident : des figures régulièrement ascendantes puis descendantes s'auto-détruisent en générant, à intervalles irréguliers, des « cas particuliers » sous forme de brèves corruscations irrationnelles. La pièce, en tant que simple processus unitaire dégagé de tout agencement formel, se pose finalement en tant que cadence d'une œuvre concertante encore à imaginer. Le titre fait très expressément référence à la peinture de Jérôme Bosch, à sa joviale fantaisie, bien sûr, mais aussi à cette critique pessimiste qui se dégage après une plus minutieuse observation. L'autre référence, celle du subversif Sebastien Brant, est rétrospectivement plus déterminante dans cette oeuvre, ainsi que dans mes productions postérieures. L'œuvre est dédiée au violoniste Nicolas Miribel qui en a assuré la première audition.

Brise Pauset, programme du Festival Musica 96.

Je ne suis pas partisan des remaniements esthétisants, des nouvelles versions expurgatrices et autres repentirs hygiénisants. Dans cette « version II » de ma Nef des fous, c’est plutôt l’accumulation de niveaux de lecture supplémentaires qui m’a conduit à proposer à David Grimal cette « nouvelle ancienne pièce », qui surdimensionne le noyau d’origine de deux minutes vers une œuvre d’un quart d’heure.

Les sources originales de la pièce se situaient à mi-chemin du jovial pessimisme de Jérôme Bosch et de l’exhaustivité critique de Sebastian Brandt. L’Histoire de la folie à l’âge classique de Michel Foucault a montré par ailleurs que la nef des fous a longtemps été une réalité historique tangible : l’errance fluviale, de ville en ville, de cargaisons insensées en constante inflation promit l’Allemagne du XVe siècle à d’insolites abordages. C’est le thème de cette dérive sans sujet, de ce gonflement véritablement irrationnel des peurs classiques (la peste, la folie… ), qui représente probablement le moteur essentiel du travail de réélaboration qui m’a conduit à donner corps à cette nouvelle pièce.

Quelque chose m’a manqué lors de la composition de cette « version II », que je me suis promis de combler dans une future « version III » : faire se rencontrer le fou dérivant peint par Bosch et le Wanderer schubertien ; le texte se fera alors impérieusement nécessaire et justifiera par conséquent l’accompagnement du violon par un double chœur, que je troquerai provisoirement contre l’habituel orchestre. La courte cadence de 1991 aura peut-être enfin trouvé sa place au sein d’une œuvre concertante de dimensions plus raisonnables.

Brice Pauset, juin 2001.

Brise Pauset