Emmanuel Nunes (1941-2012)

Clivages I / II (1987 -1988)

pour six percussionnistes

  • Informations générales
    • Date de composition : 1987 - 1988
    • Durée : 40 mn
    • Éditeur : Ricordi, München, nº Sy. 3037
    • Commande : Fondation Gulbenkian
Effectif détaillé
  • 6 percussionnistes (aussi 6 tambours [de frein] , xylophone, marimba, marimba [basse] , xylorimba, 2 glockenspiels, 2 vibraphones, cloches tubes, 3 crotales, 14 gongs, 3 gongs [chinois] , cloches à vache, wood-block [accordés] , 6 wood-blocks [japonais] , jeu de cloches-plaques, 6 autres accessoires [toupins] , 6 enclumes marteaux, 6 autres accessoires [kouling-tongs] )

Information sur la création

  • Date : 26 septembre 1987
    Lieu :

    création de la première partie : France, Strasbourg, Festival Musica


    Interprètes :

    Percussions de Strasbourg

  • Date : 30 septembre 1988
    Lieu :

    création de la version intégrale  : Italie, Turin, festival Eco Narciso


    Interprètes :

    Percussions de Strasbourg, direction : Olivier Dejours

Note de programme

Cette pièce a été commandée par la Fondation Calouste Gulbenkian. La première partie de Clivages a été créée le 29 septembre 1987 au festival Musica à Strasbourg pour le 25e anniversaire des Percussions de Strasbourg. La deuxième partie a été créée le 30 septembre 1988 au Festival Eco Narciso à Turin, interprétée à nouveau par les Percussions de Strasbourg sous la direction d'Olivier Dejours.

Clivages pour six percussions est une pièce composée de deux parties, qui sont enchaînées sans interruption.Si l'on considère les instruments utilisés dans ces deux parties, on saisit tout de suite des différences fondamentales entre elles : la première utilise exclusivement des instruments à « son déterminé » ; à ceux-ci s'ajoutent, dans la deuxième, des instruments à « son indéterminé » qui, malgré la forte présence de leur timbre assez absorbant, acquièrent, dans le discours, une fonction syntaxique. Ceci signifie que la composante inharmonique (ou même de bruit) des timbres s'intègre dans l'ensemble des rapports mélodiques et harmoniques en présence, sans les détruire.

On remarquera, surtout dans la deuxième partie, la manière dont les timbres des différents instruments de percussion réussissent à surpasser leur simple présence physico-acoustique individuelle (en tant qu'information de timbre permettant l'identification de leur origine instrumentale), en devenant des éléments d'un langage musical cohérent, à travers l'utilisation de ces mêmes qualités sonores, lesquelles se voient attribuer des fonctions équivalentes à celles des vocables, syllabes, consonnes, voyelles, etc., dans une langue. Organisés après en « mots », « phrases », etc., ces éléments acquièrent dans le déroulement du discours une signification musicale, qui dépasse leur existence acoustique individuelle, de même que, dans le langage parlé, différentes combinaisons des mêmes sonorités (voyelles, consonnes, syllabes, etc.) peuvent extérioriser des contenus sémantiques divers (selon le groupement spécifique de ces sonorités, le contexte, l'intonation, etc.). Ces contenus se situent bien au-delà de l'addition pure et simple de tout ce qui était déjà « sous-entendu » dans les sonorités individuelles en présence.Il serait encore intéressant de considérer cette « problématique » dans la perspective du Son et du Verbe, système de vases communicants entre deux forces de sens contraire, extrêmes dynamiques de la même réalité : le désir du Son de s'élever à la catégorie de Verbe, et la tendance du Verbe à revenir (ou à se référer toujours) à ses origines comme Son, à son élément « charnel », véhiculateur indispensable du propre Verbe (...). En ce sens, dans Clivages c'est le Son — ou plutôt les types de sons a priori les plus primitifs, rudes et éloignés d'une possibilité d'extériorisation Verbale/Vocale - qui s'élève pour atteindre les dimensions du Verbe et la cohérence d'un langage autonome, capable d'extérioriser un vaste éventail de contenus différents sous la forme d'un discours musical. Mais il ne s'agit aucunement, de chercher, à l'aide des « mots mis en musique », à « imiter » le langage parlé, ou à exprimer ses propres significations, mais seulement de créer des éléments sonores propres, aussi bien que d'affirmer des idées musicales en utilisant le potentiel expressif du langage en présence.

João Rafael, programme Agora 2000.