Luis Naón (1961)

Urbana (Urbana 1) (1997 -1998)

pour accordéon, percussion et électroacoustique

œuvre électronique, Ircam

  • Informations générales
    • Date de composition : 1997 - 1998
    • Durée : 16 mn
    • Éditeur : Inédit
    • Cycle : Urbana
    • Commande : Ircam-Centre Pompidou
    • Dédicace : à mon père Jorge Naón, architecte
Effectif détaillé
  • 1 accordéon, 1 percussionniste

Information sur la création

  • Date : 20 juin 1998
    Lieu :

    Paris, festival Agora, Espace de projection de l'Ircam


    Interprètes :

    Pascal Contet : accordéon, Vincent Bauer : percussions.

Information sur l'électronique
Information sur le studio : réalisée à l'Ircam
RIM (réalisateur(s) en informatique musicale) : Tom Mays
Dispositif électronique : dispositif électronique non spécifié

Note de programme

Urbana

  1. substantif pluriel
  2. adjectif. relatif à la ville

Urbana (substantif pluriel) est un cycle de vingt-quatre œuvres liées entre elles par une préoccupation sur l'espace, le lieu de concert, la culture des villes, les villes emblèmes, l'architecture et l'archéologie du signe.

Urbana (adjectif) pour accordéon, percussion et dispositif en temps réel est l'œuvre où cette préoccupation est devenue explicite dans sa relation à la ville. C'est, en quelque sorte, la pièce maîtresse d'un édifice plus vaste, multiforme, où les passerelles entre les différentes pièces sont pour moi une manière de tisser le travail à travers les années. L'architecture est, dit-on, de la musique cristalisée. L'urbanisme deviendrait alors une matière (une science ?) qui tenterait d'organiser une sorte de concert figé dans l'espace et animé par la présence humaine.

Le premier des « urbanistes » Leon Battista Alberti (1402-1472), très marqué par les thèses de Vitruve, se proposait dans son De re aedificatoria (1483) de constituer une grammaire générative du construit. Pour Alberti, le problème de la ville n'est jamais dissocié de l'architecture. Il organise le jeu de ses principes génératifs selon trois plans hiérarchisés :

  • necessitas (la nécessité)
  • commoditas (l'adaptation aux usages et aux usagers
  • voluptas (la beauté) « Les nombres, par l'intermédiaire desquels l'harmonie ravit nos oreilles, sont les mêmes qui émerveillent nos yeux et nos esprits. »

Les bâtisseurs ont eu pour préoccupation principale le prolongement physique des concepts. Dans ce sens, ils ne font qu'étendre ce que, intérieur à l'homme, et par nécessité, celui-ci doit accomplir dans le monde. Si nous étions modestes, nous dirions que le fait d'être compositeur n'est qu'une sorte d'extériorisation d'une image commune qui prend, pour l'émerveillement de tous, des formes particulières.Urbana n'est pas une simple construction, une structure pure. Elle se situe dans cette autre beauté de la ville, celle qui nous rattache à la communication et à l'humain.L'architecture, comme la musique, « se vit » dans le temps. Composante nouvelle pour nous autres compositeurs, la musique s'approprie l'espace.

Pour ma part, j'ai parcouru un court chemin à travers plusieurs œuvres qui m'a conduit depuis Au delà du rouge (pour quintette) en passant par Speculorum Memoria (pour un orchestre symétrique) à intégrer les composantes liées à l'espace sonore et à la perspective du son comme un moteur d'imagination.

L'espace physique des instrumentistes et leur théâtralité liée au son (ce geste si étrange du premier musicien qui ne cesse de se reproduire dans chaque acte musical) est devenu mon système de composition autant ou plus que des ressources inhérentes au langage musical. Acte de liberté suprème, la musique s'inscrit malgré tout dans une structure, dont le principe génératif ne peut être différent de celui des autres constructions de l'homme.Urbana ne peut donc pas appartenir à une seule façon de composer, ou à ce que l'on appellerait une école. L'éclectisme apparent n'est que conséquence de l'idée première. Ce qui est en jeu dans Urbana, ce n'est pas une série d'instantanées urbaines, ni le spectre de l'urbain, ni la combinatoire des rues, pas plus que le paysage des immeubles ou le processus du devenir d'une ville.Me nourrissant du patrimoine musical et culturel passé et présent, je refuse les petites querelles, mais je suis prêt pour les grandes batailles quand il s'agit du droit de l'homme à bâtir des utopies.Si des éléments perturbateurs viennent bousculer une habitude d'écoute linéaire, n'y voyez que la charnière qui permet l'ouverture des portes vers l'une des réalités possibles.

Je tiens à remercier Tom Mays, Pascal Contet et Vincent Bauer, coacteurs de cette entreprise.

Luis Naón, Programme du concert de l'Académie d'Eté, Ircam, 20 juin 1998.