Michaël Levinas (1949)

Voix dans un vaisseau d'Airain (1977)

Chant en escalier, pour voix, flûte, cor, piano et bande magnétique

œuvre électronique

  • Informations générales
    • Date de composition : 1977
    • Durée : 8 mn
    • Éditeur : Lemoine, nº 27212

Information sur la création

  • Date : 1 mars 1978
    Lieu :

    Paris au Nouveau Carré Sylvia Montfort


    Interprètes :

    Nel Froger : soprano ; Patrice Bocquillon : flûte, André Cazalet : cor, ensemble l'Itinéraire.

Observations

Écouter l'enregistrement du concert du 31 mars 2004 à l'Ircam : https://medias.ircam.fr/xbdfe7d_voix-dans-un-vaisseau-dairain-michael-levi

Note de programme

« Etroits sont les vaisseaux... » (Saint-John Perse)

Le son du piano, entendu comme venant d'un espace réverbérant et à moitié clos et comme rejeté vers le public (son éminemment spatial) est retrouvé à l'orchestre et à l'opéra par la disposition de l'orchestre ou des chanteurs, sur une scène à l'italienne qui rappelle, dans son architecture, l'espace à demi-clos du piano. Vitruve, le maître des architectes italiens du XVIe, premiers bâtisseurs des scènes, dites à l'italienne, (notamment Palladio) disait que l'acoustique d'un théâtre et d'une voix était de placer des vases d'airain (vaisseau d'airain) face à la scène du théâtre encore ouvert à l'antique. Ils devaient recevoir le son rendu vibrant par sympathie et le renvoyer vers le public. Dans ma pièce, Voix dans un vaisseau d'airain, chant en escalier, j'ai tenté de diffuser la voix de la chanteuse, les sons de flûte et de cor dans la caisse du piano, faisant vibrer par sympathie les cordes de l'instrument et en les modulant par le clavier. J'ai cherché à créer un espace de la profondeur de l'instrument — espace circonscrit comme celui de la scène à l'italienne — qui rejetait ses sons vers le public. La voix a l'air d'avoir une orientation dans l'espace — comme si elle venait du fond d'une cage d'escalier — et la forme de l'œuvre est conduite par des marches d'harmonies provoquées par la vibration par sympathie. Parler d'une phrase musicale, ce n'est pas user d'une métaphore. Ce qui permet aux paroles dans un chant de s'unir à la musique est une parenté originaire. Dans une musique sans paroles elle se montre par exemple dans une cadence qui « affirme et conclut » dans une respiration qui « interroge » et dans un point d'orgue qui appelle. Toute musique est ainsi d'emblée théâtrale. Dans ma pièce, l'espace qui se crée autour de la voix transforme la chanteuse en actrice. La respiration qui enfle ses phrases, accompagnée de souffles devrait évoquer l'emphase de Saint-John Perse. Le travail électronique est risqué ici parce qu'il s'agit d'une manipulation en direct des instruments par le synthétiseur qui ne cherche pas à transformer simplement le timbre mais a en découvrir les dimensions cachées.

Michaël Lévinas