Michaël Levinas (1949)

Ouverture pour une fête étrange (1979)

pour deux orchestres, bande magnétique et dispositif électronique

  • Informations générales
    • Date de composition : 1979
    • Durée : 16 mn
    • Éditeur : Lemoine, Paris, nº 27189, 1979
    • Commande : Ministère de la Culture pour les rencontres Internationales de Metz
Effectif détaillé
  • 8 flûtes, 6 clarinettes (aussi 2 clarinettes basses), 6 bassons (aussi 2 contrebassons), 12 cors, 8 trompettes, 6 trombones (aussi 2 trombones basse), 2 tubas, 4 percussionnistes, 1 orgue électrique [avec le Do 0] , 16 violons, 20 altos, 16 violoncelles, 12 contrebasses

Information sur la création

  • Date : 18 novembre 1979
    Lieu :

    Festival de Metz


    Interprètes :

    l'Orchestre Philharmonique de Lorraine et l'Orchestre de la Radio de Bâle sous la direction de Fernand Quatrocchi et Mathias Bamert.

Information sur l'électronique
Dispositif électronique : dispositif électronique non spécifié, amplification, sons fixés sur support

Observations

  • Certains éléments de la bande sont communs au Concerto pour un piano espace n° 2 et à l'Ouverture pour une fête étrange.
  • Enregistrement : Cd Accord, n° 465 606-2, Concerto pour un piano espace n°2 ; Ouverture pour une Fête étrange ; Les Rires du Gilles, Ensemble 2e2m, Ensemble L'Itinéraire, Orchestre Philharmonique de Radio France, G. Amy, H. Soudant, Y. Prin.

 

Titres des parties

  • Préludes à la fête étrange
  • Murmure lointain des oiseaux
  • Irruption des oiseaux dans la salle
  • La foule acclame la colonne du vent
  • Foule à genoux
  • Chœurs graves
  • Foule debout
  • Retombée à genoux
  • Chœurs lointain des pélerins
  • A nouveau les oiseaux murmurent
  • Cris et râles de la foule

Note de programme

Il existe, dans une certaine écriture musicale actuelle, une tendance au mimétisme : on essaie de réduire par l'analyse le son instrumental physique à un son parmi d'autres, en oubliant l'aspect dramatique que le son instrumental tient de la vie du corps, c'est-à-dire de la personnalité incarnée du musicien.

D'où aussi une limitation des attaques instrumentales, par exemple, et un alignement de la polyphonie orchestrale sur le concept de masse utilisé dans le discours électro-acoustique. Moment fécond, certes, par exemple chez Ligeti — dans la mesure où une complexité sonore grandissante, basée sur les lois acoustiques peut apparaître et mener à des sonorités inouïes. Il y a toutefois, risque de simplification : l'œuvre musicale n'est pas basée exclusivement sur le timbre. Ce qui peut être perdu, c'est, notamment, le rapport entre la musique et la danse propre à beaucoup d'œuvres orchestrales classiques et qui tient à un rythme quasi chorégraphicue des éléments orchestraux que les excès de la masse orchestrale tendent à niveler.

Dans l'Ouverture pour une fête étrange, le rapport entre l'instrument et l'électroacoustique est différent. Une bande réalise une mutation du son instrumental et orchestral par l'amplification et par des variations des hauteurs aujourd'hui encore impossibles à un instrument traditionnel : accord de flûtes devenant accords de souffles très puissants, puis variés jusqu'à se rapprocher du bruit naturel du vent ; accélération d'éléments instrumentaux montant régulièrement en glissandi, irréalisables pour un instrument en concert. Cette bande — troisième orchestre — restant très proche de l'instrument, laisse prévoir des possibilités de l'orchestre de demain.

Une écriture, basée sur le canon à l'unisson, presque toujours décalé au quart de seconde environ entre les musiciens d'orchestre, entre les deux orchestres et entre les orchestres et la bande, sur la foule, renouant avec une tradition baroque, surtout présente dans le domaine plastique, où les plafonds d'églises parfois, suggèrent par de fausses perspectives les profondeurs du ciel sans les représenter.

Dans l'Ouverture pour une fête étrange, inspirée par un dessin où une foule et des trompes acclament une colonne de fumée, des murmures d'oiseaux envahissent progressivement la salle, puis dans un grand crescendo des deux orchestres et des groupes répartis dans la salle, la bande enregistrée semble de plus en plus dominer et conduire l'orchestre. Alternance d'acclamations et de prosternations exprimées par des choeurs graves de souffles des flûtes. Ces chœurs se faisant de plus en plus lointains et de plus en plus graves. Les titres des diverses parties de la partition expriment l'inspiration dramatique et chorégraphique de cette musique où l'électro-acoustique de la bande ne renie jamais l'origine instrumentale des sons auxquels elle assure une mutation.

Michaël Lévinas