Henri Dutilleux a conçu sa partition comme une succession « d'instantanés », ainsi que l'indiquait le titre originairement envisagé pour illustrer son propos. Il s'agit d'une dizaine de séquences de proportions très variables, fixant chacune un aspect particulier, volontairement «typé» de la matière sonore, la structure de l'ensemble ne répondant à aucun canevas préétabli. Les idées sont énoncées comme elles se présentent, sans allusion à ce qui précède ou ce qui va suivre. En s'éloignant quelque peu des schémas d'œuvres antérieures (telles que Métaboles, Tout un Monde lointain, L'Arbre des songes ou le quatuor Ainsi la Nuit), l'auteur s'est proposé de saisir l'instant et d'organiser le temps musical différemment. Le mot « mystère » doit être compris dans le sens le plus large, sans exclure pour autant sa résonance d'ordre spirituel. Comme l'a déclaré parfois Henri Dutilleux, l'acte d'écrire de la musique s'apparente en effet pour lui à une cérémonie, « avec sa part de mystère et de magie ». Par quel secret, dans le processus créateur, une idée parvient elle à se fixer jusqu'à l'évidence, plutôt que telle autre ?
La trame orchestrale est souvent divisée en un grand nombre de parties distinctes (Appels, Rumeurs) ou, à l'inverse, peut se réduire à une large monodie (Litanies), ou bien encore servir de toile de fond à une série de soli confiés successivement au violon, au violoncelle, à la contrebasse, à un quatuor de violoncelles et également aux deux instruments complémentaires, le cymbalum et les timbales (Soliloque).
Vers la conclusion, apparaissent des métamorphoses à partir des six notes correspondant aux lettres du nom Sacher, soit S A C H E R. Sur le plan général, l'auteur a parfois recherché une certaine spatialisation imaginaire de la matière sonore, non pas en isolant les instruments dans l'espace scénique mais par le traitement de l'écriture elle-même, en décomposant les timbres ou en opposant à l'extrême les tessitures des cordes.
Programme du Festival Musica 96.