Texte cité dans

Visions de Matteo Franceschini

17 juin 2024


Extraits de poèmes des recueils_ Songs of Innocence, Songs of Experience_ et The Marriage of Heaven and Hell de William Blake

Piping down the valleys wild,
Piping songs of pleasant glee,
On a cloud I saw a child,
And he laughing said to me:
“Pipe a song about a Lamb!”
So I piped with merry chear.
“Piper, pipe that song again”;
So I piped: he wept to hear.

The hours of folly are measur’d by the clock;
but of wisdom no clock can measure.

Hear the voice of the Bard!
Who Present, Past and Future, sees;
Calling the lapsed Soul,
And weeping in the evening dew.

Now like a mighty wind they raise to heaven
the voice of song.

Excess of sorrow laughs. Excess of joy weeps.

Is that trembling cry a song?
Can it be a song of joy?

“Father! Father! […]
Speak, father, speak to your little boy,
Or else I shall be lost.”

Joys laugh not! Sorrows weep not!

The weeping child could not be heard.

The little boy lost in the lonely fen,
Led by the wand’ring light,
Began to cry; but God, ever nigh,
Appear’d like his father in white.

Joys laugh not! Sorrows weep not!

The weeping parents wept in vain.

Children of the future Age
Reading this indignant page,
Know that in a former time
Love! sweet Love! was thought a crime.

Can I see another’s woe,
And not be in sorrow too?

In every cry of every Man,
In every Infant’s cry of fear,
In every voice, in every ban,
The mind-forg’d manacles I hear.

Without Contraries is no progression.
Attraction and Repulsion, Reason and Energy,
Love and Hate.

I saw a Chapel all of gold
That none did dare to enter in,
And many weeping stood without,
Weeping, mourning, worshipping.

And the gates of this Chapel were shut,
And “Thou shalt not” writ over the door.

I saw a Serpent rise between
The white pillars of the door,
And he forc’d, and forc’d, and forc’d;
Down the golden hinges tore.

And I saw it was filled with graves,
And tomb-stones where flowers should be;
And Priests in black gowns were walking their rounds,
And binding with briars my joys & desires.

All his shining length he drew,
Vomiting his poison out
On the Bread and on the Wine.
So I turn’d into a sty,
And laid me down among the swine.

All Bibles and sacred codes have been the
causes of the followings Errors: […]
But the following Contraries to these are True.

Little Lamb, who made thee?
Dost thou know who made thee?

Tyger! Tyger! burning bright
In the forests of the night,
What immortal hand or eye
Could frame thy fearful symmetry?

Little lamb, I’ll tell thee:
He is called by thy name.

Tyger! Tyger!
What the hammer? What the chain ? […]
What the anvil? What dread grasp
Dare its deadly terrors clasp?
[…] Tyger! Tyger!
Did he who made the Lamb make thee?

Nobody Daddy
Daddy Nobody
The old Nobodaddy aloft
Farted & Belch’d & cough’d
And call’d aloud to English Blake.

The roaring of lions, the howling of wolves, the
raging of the stormy sea, and the destructive
sword are portions of eternity too great for the
eyes of man.

Man’s perception are not bounded by organs of perception.

If the doors of perception were cleansed every
thing would appear to man as it is, infinite.

Poetic Genius is the true man […]
As all men are alike, So all Religions & as all
similars have one source.
The true Man is the source […]


Je descendais les vallées sauvages,
Ne cessant de jouer des airs de douceur
et de joie,
Sur un nuage, je vis un enfant,
Qui dans un sourire, me lança :
« Joue l’air de l’agneau ! »
Alors je jouais de toute ma joie douce.
« Joueur de flûte, joue l’air encore ! »
Alors je jouais : et lui pleurait en m’écoutant.

Les heures de folie, l’horloge les mesure ;
mais les heures de sagesse, il n’est d’horloge
qui les puisse mesurer.

Écoutez la voix du Barde !
Qui voit le présent, le passé et le futur ;
[…] Qui a appelé l’Âme égarée
et pleuré dans la rosée du soir.

Désormais, comme un vent puissant, ils lèvent
au ciel la voix de leur chant.

L’excès de chagrin rit. L’excès de joie pleure.

Ce cri tremblant est-il un chant ?
Peut-il être un chant joyeux ?

« Père ! Père ! […]
Parle, Père, parle à ton petit garçon,
Ou sinon je serai perdu. »

Les joies ne rient pas ! Les chagrins ne pleurent pas !

L’enfant pleurait, personne ne vint.

Le petit garçon perdu dans les marais solitaires,
Conduit par les lumières errantes,
Commença de pleurer, mais Dieu toujours près,
Apparut comme son père en blanc.

Les joies ne rient pas ! Les chagrins ne pleurent pas !

Les parents, en deuil, pleuraient en vain.

Sachez l’amour autrefois
Placé, si doux, hors la loi.
Futurs lecteurs outragés,
Les temps, les mœurs, ont changé.

Suis-je capable, devant le malheur d’un autre,
De ne pas être, moi aussi, dans la douleur ?

Dans chaque cri de chaque Homme,
Dans chaque cri de peur du nourrisson,
Dans chaque voix, dans chaque interdiction,
Les menottes par l’esprit forgées, j’entends.

Sans Contraires il n’est pas de progression.
Attraction et Répulsion, Raison et Énergie,
Amour et Haine.

J’ai vu une chapelle toute en or
Dans laquelle nul n’oser entrer
Et nombreux sanglotaient dehors,
Pleurant, lamentant, priant.

Et les portes de cette chapelle étaient fermées,
Et « Tu ne dois pas », était écrit sur la porte.

J’ai vu un Serpent y grimper
Aux blanches colonnes de l’entrée
Et à force de pousser, pousser,
Les gonds dorés furent arrachés.

Et je l’ai vu rempli de tombes,
Et de pierres tombales où les fleurs devaient être ;
Et les prêtres en robe noire, déambulaient dans leurs rondes,
En liant avec des ronces, mes joies et mes désirs.

De sa longueur il s’étira
Crachant son poison qui vola
Sur le Pain et le Vin bénis.
Alors, là, dans la porcherie
Je m’allongeai parmi les porcs.

Toutes les Bibles ou codes sacrés ont été causes
des Erreurs suivantes : […]
Mais ce sont leurs Contraires qui sont vraies.

Petit agneau, qui te fit ?
Sais-tu qui te fit ?

Tigre ! Tigre ! feu et flamme
Dans les forêts de la nuit,
Quelle main ou quel œil immortel
Put façonner ta formidable symétie ?

Petit agneau, je vais te le dire,
On l’appelle par ton nom.

Tigre ! Tigre !
Quel fut le marteau ? Quelle chaîne ? […]
Sur quelle enclume ? Et quelle terrible étreinte
Osa enclore ses mortelles terreurs ?
[…] Tigre ! Tigre !
Celui qui fit l’agneau, est-ce lui qui te fit ?

Père de personne
Père Personne
Le vieux Pèrpersonne là-haut,
Péta, rôta, toussa
Et appela l’Anglais Blake à grands cris.

Le rugissement du lion, le hurlement du loup,
le déchaînement de la mer en furie et l’épée
destructrice sont des fragments d’éternité trop
vastes pour l’œil de l’homme.

La perception de l’Homme ne se limite pas à ses organes sensoriels.

Si les portes de la perception étaient nettoyées,
chaque chose apparaîtrait à l’homme telle
qu’elle est : infinie.

Le Génie Poétique est l’Homme véritable […]
De même que tous les hommes sont identiques,
alors le sont toutes les religions, et tout ce qui
est similaire a la même source.
L’Homme véritable est cette source […]


Œuvres utilisées : introductions aux recueils et les poèmes : « Proverbs of Hell », « Holy Thursday », « The Little Boy Lost », « A Little Boy Lost », « The Little Boy Found », « A Little Girl Lost », « On Another’s Sorrow », « London », « The Argument », « I Saw a Chapel All of Gold », « The Garden of Love », « The Voice of the Devil », « The Lamb », « The Tyger », « Nobodaddy », « There is No Natural Religion », « A Memorable Fancy », « All Religions are One ».

Note de programme du concert ManiFeste du 13 juin 2024 dans la Grande Salle du Centre Georges Pompidou.
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