Texte cité dans

Pier Paolo Pasolini : Alla mia nazione

Alla mia nazione À ma nation

Non popolo arabo, non popolo balcanico, non popolo antico
ma nazione vivente, ma nazione europea :
e cosa sei ? Terra di infanti, affamati, corrotti,
governanti impiegati di agrari, prefetti codini,
avvocatucci unti di brillantina e i piedi sporchi,
funzionari liberali carogne come gli zii bigotti,
una caserma, un seminario, una spiaggia libera, un casino !
Milioni di piccoli borghesi come milioni di porci
pascolano sospingendosi sotto gli illesi palazzotti,
tra case coloniali scrostate ormai come chiese.
Proprio perché tu sei esistita, ora non esisti,
proprio perché fosti cosciente, sei incosciente.
E solo perché sei cattolica, non puoi pensare
che il tuo male è tutto male: colpa di ogni male.

Sprofonda in questo tuo bel mare, libera il mondo.

Ni peuple arabe, ni peuple balkanique, ni peuple antique,
mais nation vivante, nation européenne :
qu’es-tu ? Terre de nouveaux-nés, affamés, corrompus,
gouvernants employés de propriétaires fonciers, préfets réactionnaires,
avocaillons, gras de brillantine et puant des pieds,
fonctionnaires libéraux charognes comme leurs oncles bigots,
une caserne, un séminaire, une plage libre, un bordel !
Des millions de petits-bourgeois comme des millions de porcs
paissent en se bousculant au pied des petits immeubles indemnes,
entre les maisons coloniales délabrées désormais comme des églises.
C’est justement parce que tu as existé, que maintenant tu n’existes pas,
C’est parce que tu fus consciente, que tu es inconsciente.
Ce n’est que parce que tu es catholique que tu ne peux penser
que ton mal est tout le mal : faute de tout mal.

Sombre dans cette mer radieuse qui est la tienne, libère le monde

[Traduction, René de Ceccatty À ma nation extrait de Poésies © Éditions Gallimard 1990.]